Soutenir la parentalité en entreprise, un atout pour les territoires ! autour de Claude Greff

Claude GREFF, Secrétaire nationale de l’UMP en charge des solidarités, députée d’Indre-et-Loire, ancienne Secrétaire d’Etat en charge de la famille souhaite une meilleure coordination entre l’entreprise et les collectivités pour une plus grande efficience.

La crise touche toujours la France et attirer des entreprises ou conserver celles existantes doit être la priorité des politiques territoriales et de l’Etat.

La loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) qui devait définir avec clarté les compétences des collectivités locales, n’est pas à la hauteur pour rendre plus efficace les investissements publics. En effet, la commune, l’intercommunalité, le département, la région et l’Etat pourront toujours s’occuper du développement économique. Peu de choses devraient changer dans ce domaine et parce que « tout le monde s’occupe de tout », les politiques économiques menées sur un même territoire peuvent être parfois contradictoires et non complémentaires. Il est essentiel d’avoir une politique locale plus cohérente. Tous les acteurs d’un territoire doivent tendre vers une stratégie commune. Le développement économique a besoin d’une énergie coordonnée.

Les services publics, y compris ceux organisés pour les familles par les collectivités font partie intégrante des critères d’installation des grands groupes et des PME tout comme les réseaux de communication et le très haut débit. Il en va de même pour les modes de transports en commun, les infrastructures éducatives, sportives, culturelles et sociales qui comptent pour les salariés et leurs employeurs.


En quoi l’organisation de la parentalité est-elle un atout pour nos territoires ?


Compte tenu de l’évolution de notre société, accompagner les salariés dans leur rôle de parent afin de rendre compatible vie familiale et vie professionnelle est un réel sujet pour les entreprises et les collectivités publiques. A titre d’exemple nous comprenons mieux la prise en compte de laparentalité comme un critère prédominant au sein des entreprises à forte main d’œuvre féminine. Dans ce cas favoriser la parentalité doit être le fruit d’une action commune entre les entreprises et les collectivités. Il est temps que tous les acteurs s’engagent pour que le travail soit vécu plus sereinement par le salarié qui sera durablement plus performant.


Concrètement, en quoi la politique en matière de petite enfance peut-elle jouer un rôle dans un choix de localisation ou dans le bon fonctionnement de l’entreprise ?


C’est essentiel ! Parce que la disponibilité professionnelle des salariés et leur bien-être est un réel outil de motivation au travail. Un parent dont l’enfant est pris en charge dans de bonnes conditions et en sécurité, est un salarié plus serein qui par voie de conséquences peut se consacrer pleinement à son travail. Les familles, les salariés, donc les entreprises y trouvent leur compte. C’est la raison pour laquelle, j’ai beaucoup travaillé durant mes fonctions ministérielles pour développer les modes de garde y compris les crèches en entreprises. Quand des collectivités sont défaillantes en matière de mode de garde, par manque de crèches ou d’assistantes maternelles, les conséquences sont réelles pour notre société et pour les entreprises (démissions, temps de travail aménagés, arrêts maladie…).  On comprend dès lors que les choix de localisation des entrepreneurs peuvent se faire aussi en fonction de ces critères  qui facilitent la vie de leurs salariés. Il en est de même pour les services de transport qui doivent être de qualité et adapté aux horaires des entreprises.


Cette prise en compte de la vie familiale par l’entreprise est encore plus nécessaire au regard de la nouvelle loi votée sur le congé parental qui concerne toujours les femmes mais qui oblige de plus en plus les hommes.


Pensez-vous que les entreprises recrutent davantage des personnes célibataires ou dégagées des obligations familiales pour ne pas avoir de contraintes supplémentaires ?


Non pas du tout ! Une entreprise a des objectifs de production et de services. Cependant, elle ne peut ignorer ces questions. Même si elle recrute des célibataires aujourd’hui, elle sera confrontée au bout de quelques temps aux mêmes problématiques au fur et à mesure de l’évolution de vie de son salarié. L’entreprise investit pour former et développer les compétences de ses employés, et le statut familial ne doit pas être un obstacle. C’est pourquoi bon nombre d’entreprises et de bassins d’emploi réfléchissent à la question de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Cependant, l’entreprise ne peut pas tout faire, d’autant plus en cette période de crise.  C’est donc bien en priorité aux pouvoirs publics d’accompagner les salariéset les entreprises dans cette conciliation vie personnelle vie professionnelle. Ils doivent être à l’écoute du monde de l’entreprise et de ses contraintes. Malheureusement, aujourd’hui cette prise en compte ne semble pas être une priorité pour ce gouvernement.


Les entreprises ont besoin de salariés disponibles. Ce fut l'objectif de la charte de la parentalité que j’ai signée le 14 février 2012 avec 27 entreprises partenaires.

Des solutions ont été mises en place, comme des places de crèche nouvelles, un aménagement des horaires de réunions plus conformes aux contraintes familiales, le télétravail. Il faut aussi faire évoluer les représentations liées à la parentalité dans l'entreprise en sensibilisant les responsables des ressources humaines et les manageurs à une meilleure prise en compte de la parentalité en interne. Pour créer un environnement favorable aux salariés-parents, il faut faciliter la conciliation vie professionnelle/vie personnelle, comme par exemple aménager les conditions de travail pour les femmes enceintes, rendre plus réalisable la prise d’un congé de paternité. En respectant le principe de non-discrimination dans l'évolution professionnelle des salariés-parents, ces entreprises tirent un bilan positif de ces mesures.

Aux côtés des collectivités et de l’Etat, une autre bonne solution peut se traduire par un investissement direct des entreprises dans les solutions de gardes proposées à leurs salariés.


Vous voulez parlez des crèches d’entreprises ?


Oui, c’est une solution gagnant-gagnant ! Selon le Baromètre 2011 de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale de l’Observatoire de la Parentalité en Entreprise, 70% des salariés pensent que leur entreprise « ne fait pas beaucoup de choses » pour les aider à concilier vie professionnelle et vie familiale, dont 74% des salariés en situation monoparentale.

Pour 97% des salariés-parents, l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale est un sujet de préoccupation majeur.

La demande en termes de solutions de garde ponctuelle ou permanente croît chaque année alors que la possibilité réelle d’y accéder reste très faible. Seuls 8% des salariés déclarent disposer de tels dispositifs au sein de leur entreprise.

Enfin, les crèches d’entreprise sont plébiscitées par la moitié des salariés ayant au moins un enfant âgé de moins de 3 ans. C’est pour eux une vraie solution !

Il y a donc un réel besoin qui nait de la volonté légitime des parents de savoir dans quelles structures d’accueil sont gardés leurs enfants et ceci en concordance avec leurs horaires. Il en est de même pour les salariés qui travaillent en horaires décalés et les entrepreneurs en ont bien conscience.


Toutes les entreprises sont-elles en capacité d’avoir une crèche ?


Non, ce ne sont que les grosses entreprises qui sont concernées aujourd’hui. Mais ce type de démarche peut tout à fait être envisagé par une PME, ou par un groupement de PME à l’échelle d’une ZAC ou d’un réseau d’entreprises qui s’associeraient dans ce projet de crèche d’entreprise en partenariat avec les collectivités.


Ce modèle de crèche correspond totalement à un management des ressources humaines que l’on retrouve avec bien plus de relief aux Etats-Unis. Ce sont en majorité des entreprises qui pour s’assurer la collaboration des meilleures compétences proposent un panel de services, type crèche d’entreprise ou d’autres services bien plus surprenants à nos yeux d’européens.

L’exemple des géants de l’informatique comme Google est assez révélateur de cette stratégie. Il est évident que leurs finances sont conséquentes. En France, en mutualisant les moyens des entreprises, des collectivités, de l’Etat, en innovant nous pourrions être tout aussi efficaces.

Dans la création d’une crèche d’entreprise ou inter-entreprises, l’entrepreneur est l’élément moteur de la décision. Dans la plupart des cas, il en délègue la gestion à une association ou à une entreprise spécialisée. Tout ne doit pas reposer sur l’entreprise, le financement d’un tel projet a vocation à être assuré pour partie par les CAF, les MSA et les collectivités locales. Pour le salarié, le coût journalier de la crèche est pris en charge par ces organismes selon ses revenus.


La branche famille pèse lourdement sur le budget de la sécurité sociale ? Selon vous à qui faut-il faire supporter le cout de la politique familiale ?


C’est une question qui mérite toute notre réflexion. En effet, nous avons une politique familiale généreuse. En revanche, ce n’est pas que sur le travail que doit reposer l’entièreté de la solidarité nationale. Dans un contexte international, les entreprises étrangères sont en concurrence directe avec les nôtres. Elles peuvent se permettre de vendre en France et en Europe à bas coût car elles n’ont pas les mêmes normes sociales et environnementales. Cette concurrence est déloyale. C’était tout le sens de la TVA anti-délocalisation que Nicolas Sarkozy avait mis en place et nous avions voté cette loi en 2012. Elle permettait de ne plus faire supporter les cotisations sociales payées sur la branche famille par les seules entreprises Française, ce qui était une solution compétitive. Au lieu de cela, François Hollande, a supprimé le dispositif et a fait voter une augmentation brute de la TVA sans aucune contrepartie. Finalement, cette décision ne bénéfice à personne, ni aux consommateurs et encore moins aux entreprises.