Proposition de loi de Pierre Morel-A-l'Huissier : introduction de la règle d'or budgétaire - pourquoi faut-il la graver dans la Constitution ?

Les finances publiques de la France évoluent lentement mais sûrement, et de plus en plus vite, vers la banqueroute. Bientôt nous dépasserons une dette publique de 100% du PIB. En clair, cela signifie que la dette du pays sera égale à la totalité de la richesse qu’il produit en une année. Nous sommes donc proches du point de bascule appelé « effet boule-de-neige » : à force de surendettement, les intérêts grimpent en flèche, à des niveaux que le pays ne peut plus suivre. Sur le modèle de la Grèce, c’est alors la faillite. Notre responsabilité est donc de durcir d’urgence les règles contraignant le gouvernement et le Parlement à réinstaurer l’équilibre des finances publiques.

 

Un premier pas dans ce sens a été fait. Entré en vigueur le 1er janvier 2013, le Traité de stabilité, de coordination et de gouvernance (surnommé « pacte budgétaire européen ») a précisé et durci les règles communes européennes pour équilibrer les finances publiques des pays signataires.

 

Ce pacte est de pur bon sens. L’objectif est simple : en dehors des circonstances extraordinaires telles qu’une grande guerre ou une crise économique mondiale, les finances publiques doivent être soit à l’équilibre, soit en excédent. Le niveau d’alerte est fixé à 60% du PIB : quand il est atteint, comme en France, il faut faire baisser cette dette de 5% par an. Si de surcroît, comme en France, il y a un déficit, il faut le réduire d’urgence à 3% du PIB. Ethique de la fourmi contre irresponsabilité des cigales : la philosophie générale de ces règles est qu’il faut empêcher le surendettement du pays. Ce dernier ne peut avoir que deux issues. La première est, comme dans l’Allemagne des années 1930, une dévaluation massive appauvrissant la population. La seconde une faillite à la grecque, d’où un appauvrissement généralise et la mise sous tutelle d’organisations internationales.

 

Ces règles sont donc à la fois claires, précises, et justifiées. Toutefois, là où le bât blesse, c’est, comme souvent dans la construction européenne, du côté des mécanismes de sanction en cas d’irrespect des règles. Certes, la Cour de justice de l’Union peut être saisie par un État signataire qui estimerait qu’un autre ne respecte pas assez le pacte budgétaire. Cependant, en pratique, on imagine mal qu’un gouvernement d’Europe agisse de la sorte envers un autre. Cette disposition restera donc probablement lettre morte. Or, la nature humaine est ainsi faite que sans sanction en cas d’infraction, une règle a toutes les chances de ne jamais être respectée…

 

C’est pourquoi le 12 décembre dernier, j’ai décidé de déposer une proposition de loi constitutionnelle visant à introduire la « règle d’or » budgétaire dans notre Constitution. Son but est simple : faute de mécanisme de sanctions efficace au niveau européen, créer un mécanisme qui le soit au niveau national.

 

Ce texte inscrit directement dans la Constitution les règles du pacte budgétaire européen. Cela fait, il donne au Conseil constitutionnel le pouvoir de censurer purement et simplement, dans ses activités de contrôle de constitutionnalité, toute disposition qui enfreindrait ces règles.

 

Si cette réforme constitutionnelle était adoptée, toute mesure adoptée par le gouvernement ou le Parlement, aggravant un déficit déjà excessif, et qui ferait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, serait forcément annulée par le Conseil constitutionnel. Incidemment, puisque la norme est de faire passer les lois budgétaires sous les fourches caudines du Conseil, nul budget ne pourrait plus être adopté s’il violait ces règles.

 

Nous passerions ainsi de règles urgemment nécessaires mais inappliquées, à des règles urgemment nécessaires et réellement respectées. J’appelle donc la majorité parlementaire socialiste à faire preuve de sens des responsabilités, en faisant sienne cette proposition de réforme constitutionnelle, pour la porter jusqu’au stade du vote solennel par le Parlement réuni en congrès.