Universités - Entreprises - Collectivités territoriales : nouveaux enjeux, nouvelles pratiques par Catherine Vautrin

C’est au cœur de nos territoires que résident les solutions de la redynamisation de notre économie : clé de l’attractivité, bassins d’emplois, d’initiatives. Ils ont la solution pour la « sortie de crise » !

Dans cette dynamique, les étudiants représentent, aujourd’hui, un enjeu majeur d’activité et d’attractivité pour les collectivités : une ville étudiante est une ville qui bouge, une ville qui propose. Ils sont un atout d’autant plus grand qu’ils représentent une ressource potentielle pour le tissu économique local.

Or depuis trop longtemps, les actions, les investissements des agglomérations en faveur des étudiants n’étaient pas visibles. Aujourd’hui, nous devons inverser cette tendance et faire sortir de l’ombre les initiatives positives menées par les collectivités. A cette fin, mon ambition est de poursuivre et amplifier l’action de l’Association des Villes universitaires de France, que je préside depuis juin 2014, pour qu’elle devienne l’interlocuteur incontournable pour les collectivités dans le domaine de l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR). 

A l’heure où s’engagent les réflexions pour le troisième volet de la décentralisation – le projet de loi Nouvelle Organisation Territoriale de la République va être discuté en deuxième lecture d’ici l’été – il convient de s’interroger sur les stratégies territoriales, la gouvernance. Le 8 avril prochain, cette réflexion sera au cœur des Assises des Collectivités territoriales pour l’Enseignement supérieur et la Recherche organisées par les associations du bloc local, notamment l’AVUF.

Repenser l’enseignement supérieur au sein des collectivités :

Les territoires ont vocation à devenir des « fabriques à valeur ajoutée ». Les entreprises ont, d’ailleurs, compris l’importance croissante des bénéfices qu’elles tirent des lieux où elles s’implantent.

A ce titre, l’investissement dans les structures d’ESR, qu’elles soient pôles d’excellence ou simples antennes d’une université ou d’un IUT, doit être intégré dans une stratégie globale impliquant l’ensemble des acteurs concernés.

Ce qui m’a frappé, dès mes premières rencontres avec les adhérents de l’AVUF, c’est le profond attachement à la présence d’un pôle d’ESR, d’un laboratoire de recherche sur le territoire. Il faut potentialiser cet atout local, en faire un tremplin pour le développement de l’innovation. Et force est de constater que dans les faits le rayonnement académique, y compris au-delà des frontières, et le dynamisme académique concourent au redressement économique.

A ce titre les collectivités doivent être des partenaires actifs dans la mise en place de ces politiques, c’est pourquoi il convient que les financements de l’Etat – les programmes des Investissements d’avenir ou le contrat de plan Etat-Région – profitent non seulement aux universités mais également aux écosystèmes locaux dans le développement d’outils tels que les incubateurs ou encore les technopoles …

Le maintien de l’attractivité des structures d’ESR suppose des moyens à la hauteur de l’objectif d’élévation du niveau de qualification de la population garantissant une offre de formation de qualité, un pôle de recherche d’excellence et un accroissement du taux de réussite des étudiants quelles que soient leurs origines sociales ou territoriales.  

La vie étudiante : véritable facteur d’investissements

Une ville universitaire, c’est une ville qui bouge, une ville qui anticipe : une ville qui se tourne vers sa jeunesse !

 Trop souvent considéré comme accessoire à la présence d’un pôle d’enseignement, le dossier « vie étudiante » ne mobilisait pas les compétences des collectivités.

Aujourd’hui, elles ont bien compris que leur capacité à attirer les talents renforce leur compétitivité. Il faut proposer des conditions de vie agréables, une image positive : dès lors, penser un campus, c’est penser une ville au cœur de la l’agglomération.

Il faut raisonner interactions, transports, flux et réseaux. Il est impératif de pouvoir assurer des investissements pour permettre à l’immobilier universitaire et aux équipements de vie étudiante d’être novateurs et donc conformes à l’ambition stratégique de notre pays.

J’illustrerais mon propos avec le cas tout à fait particulier des jeunes créateurs d’entreprises : il est primordial que l’ensemble des services économiques de l’agglomération travaillent en synergie avec ceux de l’université notamment autour de dispositifs d’EntrepreneuriatEtudiant.

A Reims, nous avons un grand projet de regrouper les sept sites universitaires en un tout nouveau campus : un campus ouvert à tous, qui ne sera pas exclusivement tourné vers les 17 000 étudiants qu’il devrait rassembler mais vers l’ensemble de la cité.

Ce chantier s’accompagne d’une réflexion urbaine sur l’ensemble du quartier où sera installé le Campus, le quartier Croix-Rouge. A cette fin, nous agissons en complémentarité au sein d‘une associationd’investissements - collectivités locales, université, rectorat - pour la réussite de ce projet.   

Quelle nouvelle stratégie pour le développement économique local ?

L’actualité législative nous a permis de nous pencher sur l’organisation territoriale. Force est de constater que la loi NOTRe n’a apporté aucune solution concrète hormis la fin de la clause de compétence générale : autant dire que la montagne du Gouvernement a accouché, pour l’instant, d’une souris.

Il convient de s’enraciner, de créer la richesse au travers d’une reterritorialisation : créer les vecteurs de réussite, les initiatives là où vivent les Français.

Il convient donc de définir les besoins, mais aussi de définir les ressources exploitables, et à ce titre, la Métropole semble l’échelon le plus adapté à une politique locale cohérente, alliant proximité et taille suffisante pour initier une véritable dynamique sur le territoire.

Par ailleurs, je pense qu’il faut arrêter de réduire l’importance de l’université à sa localisation géographique, mais plutôt redéfinir l’excellence de l’université au travers de son implantation dans un territoire donné. Il faut être en capacité de rebondir sur les potentialités présentes sur ce territoire afin de provoquer les gisements de croissance.

A Reims, il a été décidé de créer en 2014, l’Institut de la Vigne et du Vin qui a vocation à fédérer l’ensemble des laboratoires et des formations liés à la vigne et à l’œnologie. Cette initiative permet de valoriser un atout incontestable de notre territoire et de transformer notre terroir en pôle d’excellence.

Universités – cartes et territoires : quels sont les enjeux de demain ?

En matière d’enseignement supérieur, de nombreuses réformes se bousculent : création des Communautés universitaires d’établissements (Comue), passage de 22 à 13 régions, …

Nous le savons, il va falloir redessiner les cartes, et cela va être difficile. Il faut une articulation efficiente des stratégies nationales, régionales et locales d’innovation, qu’elles soient source de convergence optimale des soutiens à la recherche et à l’enseignement supérieur.

Au sein de l’AVUF, j’ai, donc, décidé de créer une commission dédiée – « Universités et carte territoriale » – dont la mission est de réfléchir et de proposer des pistes pour une gouvernance gagnante de l’université  vecteur de richesses au cœur du territoire.

La future grande Région Est – Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne – qui sera plus grande que la Belgique, penche naturellement vers Strasbourg. Créer à 45 minutes de Paris, un pôle métropolitain Reims-Châlons-Epernay serait une opportunité de   rééquilibrer le territoire, d’offrir une ouverture vers l’Europe. Principal pôle de recherche, regroupant plus de 75% des étudiants de Champagne-Ardenne, Reims offre une formation de pointe, notamment, dans le domaine de la bio-économie grâce aux partenariats avec les industries liées aux agro-ressources.

Nous avons besoin de souplesse et de flexibilité, là où on nous oppose centralisme et rigidité. Il faut libérer les énergies au cœur des territoires, définir des partenariats cohérents qui permettent aux forces vives de pouvoir mutualiser leurs ressources et faire, enfin,  sortir la France de la crise.