Le « droit à l’autodétermination » des entreprises et leurs salariés par Pascal Thevenot

Pascal Thevenot, Député des Yvelines, Maire de Vélizy-Villacoublay, et ancien chef d’entreprise, s’inquiète de l’évolution de la règlementation relative à l’organisation du travail et du dialogue social. Il dégage des axes de réflexion pour améliorer l’organisation du travail et le dialogue social, à partir d’un principe structurant : la liberté des entreprises.

Ingénieur de formation, vous avez réalisé l’essentiel de votre parcours dans le secteur privé, en tant que salarié puis entrepreneur. Comment jugez-vous l’organisation actuelle du travail, et la qualité du dialogue social ? 
Le dialogue social a pour objet de permettre aux acteurs de l’entreprise de définir eux-mêmes leurs propres règles. Or l’organisation du travail en entreprise est très règlementée au niveau législatif, ce qui laisse peu de place à l’entreprise et ses salariés pour en définir les modalités. J’ai été confronté à cette difficulté à de nombreuses reprises lorsque j’étais chef d’entreprise. Par exemple, lors de la mise en place des 35h, un accord avait été négocié. Bien qu’adopté à l’unanimité, il m’a fallu convaincre un des salariés de devenir délégué, afin qu’il puisse entrer en vigueur. 
Par ailleurs, le dialogue social est miné par le déficit de légitimité des syndicats. Il suffit de regarder le taux de syndicalisation en France ou encore la participation aux élections professionnelles pour en être convaincu. Le taux de syndicalisation est de 8,7 % dans le secteur privé en France, et près de 11 % au total, tandis que la moyenne européenne atteint 23 %. 
Enfin, en mobilisant un répertoire d’actions de confrontation, les syndicats se présentent souvent comme des agents de blocage davantage que les acteurs d’un dialogue constructif. Les incidents se multiplient, ce qui témoigne de la dégradation du dialogue. Les évolutions récentes du droit du travail permettront-elles selon vous de surmonter ces défis ? 
Depuis mon arrivée à l’Assemblée, j’ai eu l’occasion d’examiner en commission et en séance publique plusieurs textes relatifs à l’organisation du travail dans l’entreprise, et en particulier au dialogue social. Alors que les réformes présentées entendent donner davantage de liberté aux entreprises et aux actifs, les mesures adoptées contribuent en réalité à la limiter, tout en renfor- çant significativement le pouvoir des syndicats. A ce titre, la « loi travail » prévoit par exemple une augmentation des heures de délégation, l’obligation pour les PME de négocier avec des salariés mandatés, et même la création d’une instance régissant l’organisation du travail dans les franchises, qui sont pourtant par définition un réseau d’entreprises indépendantes. Ces mesures rigidifient considérablement le dialogue en entreprise. J’ai d’ailleurs interpellé le Gouvernement sur ce sujet, en dénonçant le système de mandatement dans les PME, ou encore la taxation des CDD. 
Aussi, alors que le pouvoir des syndicats est étendu, leurs obligations de transparence ont été récemment allégées. La loi Sapin examinée en séance publique à l’Assemblée en 1e lecture par exemple énonçait que les syndicats seraient exemptés des obligations de transparence auxquelles sont soumises les organisations patronales. L’idée que les syndicats représenteraient l’intérêt général, argument invoqué à l’appui des exemptions, me parait dangereuse. La CGT, ce n’est pas l’Etat ! J’ai présenté des amendements à ce sujet. Si cette mesure ne figure plus dans le texte actuellement, l’extension du pouvoir des syndicats, sans renforcement de leur légitimité, est une réalité. 
Quelles seraient d’après vous les solutions à mettre en œuvre ? 
L’amélioration de l’organisation du travail et du dialogue social passe par davantage de liberté pour les entreprises et leurs salariés. Les entreprises devraient pouvoir fixer leurs propres règles, et le dialogue demeurer le plus simple possible. Pourquoi par exemple prévoir un intermédiaire dans les PME pour négocier à la place des salariés alors que, peu nombreux, ils peuvent échanger directement avec leur employeur ? Référendum d’entreprise, seuils sociaux… Quelques mesures seulement pourraient fluidifier considérablement le dialogue et l’organisation du travail. 
La solution réside donc d’après moi dans la simplification du droit : laisser aux accords collectifs le soin de déterminer les règles applicables, cantonner la loi à ce qui est strictement nécessaire. Et c’est précisément ce que notre constitution lui a donné comme rôle. 
La négociation elle-même devrait respecter un « principe de subsidiarité », soit régler les questions au plus petit échelon possible pour permettre aux entreprises d’adapter les règles à leurs besoins. Il faut faire confiance aux entreprises. 
Enfin, pour que les accords négociés soient reconnus comme légitimes, il faut revoir la structure même du dialogue social. La représentativité des organisations professionnelles est un enjeu fondamental qui détermine la qualité du dialogue social.