Les relations URSSAF / cotisants : enfin quelques avancées ! par Bernard Gérard

En juillet 2015, Bernard GERARD remettait au gouvernement son rapport « Pour un nouveau mode de relations URSSAF / Entreprises », co-écrit avec son collègue Marc GOUA, contenant plus de quarante propositions pour simplifier la vie quotidienne de nos entreprises. Le temps est venu d’un premier bilan. De nombreuses propositions ont été retenues et produisent déjà leurs effets en vue d’améliorer les relations entre les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et les entreprises. 

Qu’est-ce qui vous a incité à travailler sur le sujet des URSSAF ?

Les relations entre les URSSAF et les entreprises ont toujours été marquées par une certaine méfiance. Suite à des amendements que j’avais déposés dans le cadre des lois de simplification de 2009 puis 2014, j’ai été contacté par le secré- taire d’État à la simplification, Thierry MANDON, pour engager une mission parlementaire sur ce sujet. Avec Marc GOUA nous avons aussi rencontré au cours de nos auditions des associations de chefs d’entreprises nous faisant part de dysfonctionnements, ou au contraire satisfaits de leurs rapports avec l’URSSAF et ses personnels. Nous nous sommes demandés, dans le cadre de ce rapport, comment concilier l’exigence administrative avec la demande des entrepreneurs d’être mieux écoutés. Nous avons auditionné des représentants patronaux, syndicaux, de conseils des entreprises, professeurs d’université, des représentants d’organisme de recouvrement et des administrations de tutelle. Au milieu d’une législation sociale complexe, vouée à des changements permanents, les moyens qui permettent d’assurer la sécurité juridique, le dialogue et la transparence doivent être recherchés. C’est ce sur quoi insistent mes travaux sur les questions des contrôles URSSAF. L’objectif sous-jacent est d’aller vers une administration davantage aidante que punissante.

Quelles étaient vos propositions majeures dans ce rapport parlementaire ?

Au-delà des mesures techniques, nous préconisons dans le rapport de renforcer l’URSSAF en tant que partenaire économique des entreprises, et le rôle des inspecteurs dans leur fonction de conseil.

Ainsi, il paraissait utile d’assouplir le formalisme en matière de contrôle par quelques mesures de bon sens. Par exemple, en adaptant la sanction à la nature de l’erreur constatée, c’est-à-dire en abandonnant le système du « tout-ou-rien », ou en redéfinissant la notion de décision implicite d’accord dès lors qu’un inspecteur n’a émis aucune observation lors d’un contrôle.

La deuxième préoccupation est d’améliorer la sécurité juridique des entreprises. Outre la création d’une base de documentation publique, le rapport proposait la création d’un système d’interlocuteur unique auquel serait dévolu un rôle de conseil aux cotisants. Qui plus est, il était souhaitable d’améliorer la procédure de rescrit qui permet à un employeur d’interroger l’URSSAF, dans des cas particuliers, sur l’application d’une réglementation et d’obtenir dans un délai déterminé une réponse explicite sur sa situation au regard de la réglementation concernée. Développer la visite conseil en entreprise est aussi un des enjeux importants mis en avant dans le rapport.

Une dernière attention a été portée à l’amélioration des procédures amiables. Il est ainsi proposé de nommer dans chaque organisme un médiateur social (comme le font aujourd’hui les services fiscaux ou encore l’assurance maladie), de veiller à ce que les réponses apportées par les organismes soient précises et argumentées, et enfin d’améliorer le fonctionnement de la commission de recours amiable (CRA). 

Ces mesures ont un but commun qui est de mettre l’huile dans les rouages et contribuer à trois objectifs partagés par l’immense majorité des acteurs du monde économique : assouplir le formalisme, renforcer la sécurité juridique des entreprises, promouvoir le dialogue.

Quelles mesures ont été retenues par le gouvernement ?

Nos propositions ont été transmises au gouvernement afin qu’elles soient appliquées dès que possible. A ce jour, quinze d’entre elles ont été retenues. La première traduction juridique a pris forme rapidement dans les « 25 nouvelles mesures de simplification pour les entreprises » présentées en juin 2015 par le Conseil de simplification. La première mesure améliore l’information en matière de norme sociale à destination des entreprises en mettant en place une base doctrinale accessible en ligne et ouverte à l’ensemble des cotisants URSSAF. La seconde permet de simplifier le dispositif du rescrit social et d’étendre son utilisation aux avocats, aux experts-comptables et aux organisations professionnelles d’employeurs et de salariés.

Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 n’a apporté que peu de modifications complémentaires à l’exception de l’adoption d’un assouplissement en matière de formalisme avec une tolérance dans le cadre de la généralisation des complémentaires santé. Le contenu de la mise en demeure doit aussi désormais être obligatoirement précis et motivé. Récemment, c’est le décret n°2016-941 du 8 juillet 2016 qui a permis de nouvelles avancées, allant dans le sens de notre rapport. Notre proposition de reconnaître le droit à l’erreur a été enfin retenue, de même que l’accord tacite concernant les pratiques mises en œuvre par l’entreprise en cas d’absence d’observations lors d’un contrôle.

Par ailleurs, le délai de saisine de la CRA a été porté à deux mois au lieu d’un seul, comme nous le recommandions. La décision de la CRA doit désormais comporter des mentions obligatoires telles que le motif de redressement, les montants, des indications de délais et de voies de recours.

Que reste-t-il à faire selon vous pour améliorer les relations entre les URSSAF et les entreprises ?

En matière de marché public, une injustice persiste. Lorsque le cotisant conteste un redressement, ou a demandé un sursis à poursuites, aucune attestation de vigilance ne peut lui être délivrée afin de concourir à un marché public. Il serait bon que dans le cas où le redressement ne porterait pas sur les cotisations salariales ou sur le travail dissimulé, une attestation de vigilance puisse lui être octroyée malgré tout.

La communication et les échanges entre le cotisant et son URSSAF pourraient être grandement améliorés avec des mesures simples que nous mettons en avant depuis plusieurs mois : désigner, pour chaque entreprise, un interlocuteur unique dédié au sein de l’URSSAF avec accès à son nom, ses coordonnées et à sa ligne directe ; demander aux cotisants une adresse courriel obligatoire et opposable ; donner une base légale à la visite conseil en entreprise en rappelant au cotisant qu’elle est gratuite, qu’elle peut intervenir à tout moment et qu’elle n’a pas de caractère répressif; ou encore créer un médiateur social, sur le modèle du médiateur fiscal.

Le prochain Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 nous permettra, espérons-le, de promouvoir de nouveau ces propositions.