Libérer les PME pour créer de la richesse et de l’emploi par Valérie Lacroute

Valérie Lacroute, Députée de Seine-et-Marne, fait l’inventaire des mesures prioritaires à adopter dès 2017 pour libérer les énergies et relancer l’emploi en France.

Est-il possible de mettre fin à l’addiction française à la norme ? 

Oui, à condition de changer radicalement notre façon de réglementer. La France est le pays au monde qui produit le plus de normes, on estime à 400 000 leur nombre. Les normes traduisent un système obsolète, considérant que le rôle de la puissance publique est d’organiser la société là où les autres sociétés font confiance à l’individu, à la régulation sociétale. La norme doit au contraire être rare, souple, modulable, évaluable et ciblée. 
À mon sens, plusieurs critères devraient désormais inspirer l’action normative. Les normes doivent devenir toujours moins nombreuses, et en diminution d’une année sur l’autre ; la loi doit être réservée aux grands principes ; le règlement prescriptif doit devenir l’exception alors que la norme « recommandation » la priorité. La norme doit devenir plus contractuelle qu’obligatoire, détachée de la sanction pénale ; elle doit enfin être modulable dans le temps (disparaît automatiquement au bout d’un certain délai) et dans l’espace (adaptation aux territoires ou aux domaines professionnels). 

Dans quels domaines faut-il dé-légiférer en priorité ?

J’en identifie quatre. Le droit de l’environnement, de l’urbanisme et de la construction, qui cumule aujourd’hui tous les défauts. La crise des agriculteurs et des artisans est le résultat de ces normes ubuesques. Le droit fiscal, qui a doublé en quinze ans, et qui est le plus instable (pas moins de dix modifications chaque année). Il faut s’engager à faire les changements fiscaux lors du premier budget, et s’engager par loi organique à ne plus en faire d’autre au cours de la législature. Le droit du travail, qui a doublé en 30 ans et qui compte plus de 10 000 articles. Le poids des normes et des règles ne protège pas le travail, il finit par le détruire. Enfin, le droit impactant les collectivités territoriales. Il faut adapter les normes aux considérations locales et stopper les surcoûts des équipements locaux provoqués par des normes tatillonnes. 

Comment libérer enfin l’entreprise des multiples contraintes ? 

Il nous faut inventer un nouveau modèle où la négociation collective descendra jusque dans l’entreprise, où il sera possible, avec l’accord de tous, de déroger aux règles générales quand le carnet de commandes de l’entreprise l’exigera. Un nouveau modèle où l’entreprise ne sera plus mise en difficulté simplement parce que les règles générales sont inadaptées à son cas particulier. Un nouveau modèle où le coût du travail sera allégé, où tout le monde aura compris que plus le travail coûte cher, plus il a vocation à être délocalisé. Que plus le travail coûte cher, moins il supporte la concurrence. Comment comptez-vous vous y prendre concrètement ? Il faut d’abord lever le verrou des 35 heures par le biais d’accords d’entreprise (pour les TPE, les accords seront négociés au niveau de la branche). L’accord collectif majoritaire doit s’imposer au contrat de travail. Pour le secteur public, il faudra augmenter le temps de travail et le porter au-delà des 35h.

Il faut ensuite simplifier le droit du travail en refondant le code du travail sur ce qui relève des normes sociales fondamentales et en renvoyant le reste des dispositions à la négociation en entreprise. Cela passe aussi par un renforcement de la flexisécurité en améliorant l’efficacité de la formation pour les demandeurs d’emploi et l’orientation vers des secteurs pourvoyeurs d’emploi. Il faut enfin permettre aux entreprises de se développer structurellement sans frein, en facilitant la montée en taille des entreprises (relever les seuils sociaux) en fluidifiant le passage d’un statut d’entreprise à l’autre, et en revoyant toutes les obligations comptables et déclaratives. 

Faut-il supprimer le CICE ? 

Si le CICE semble désormais connu et à peu près compris des entreprises, il n’en reste pas moins considéré comme un facteur supplémentaire de complexité dans leur gestion administrative. Dans ma circonscription, la plupart des chefs d’entreprise sont découragés par la complexité des dossiers à remplir et par les contrôles des services fiscaux ou de l’URSSAF qui s’ensuivent. L’un d’entre eux m’a avoué y avoir renoncé pour éviter de perdre trop de temps et d’énergie. Le dispositif du CICE est donc très bureaucratique. Il aurait été bien plus simple de procéder à une mesure directe d’allégement des charges plutôt qu’à un crédit d’impôt a posteriori. 

Et le dispositif « zéro charge » dans les PME et l’artisanat ? 

En janvier dernier, le Gouvernement a annoncé le versement de 2 000 € pour l’embauche d’un salarié payé entre 1 et 1,3 SMIC recruté en CDI ou en CDD de plus de 6 mois. Cette disposition est censée assurer théoriquement l’application du « zéro charge » pour les entreprises artisanales. Mais ne nous y trompons pas, il s’agit d’une pirouette politique. Les secteurs qui bénéficient le plus du CICE ne sont pas forcément ceux les plus à même d’utiliser la prime à l’embauche. En outre, cette aide aux TPE-PME ne modifiera pas l’environnement futur du coût du travail et se trouve donc peu en phase avec la nature des freins à l’embauche que rencontrent ces entreprises, à savoir l’incertitude sur leurs carnets de commandes futurs.
Une suppression complète des charges sociales qui pèsent encore sur le SMIC aurait été une mesure plus pérenne et satisfaisante à la gestion de l’incertitude qui paralyse la création d’emploi. Cette suppression, compensant les effets négatifs du SMIC sur l’emploi des moins qualifiés, aurait pu restaurer la compétitivité-coût au niveau des bas salaires vis-à-vis de l’Allemagne dont le salaire minimum a été mis en place depuis 2015. 

Quelle solution alternative proposez-vous ? 

Il est plus que temps de changer de stratégie afin de privilégier une véritable politique de compétitivité axée sur le redressement des marges, l’investissement, l’innovation et l’augmentation des compétences dans les secteurs économiques en prise avec les marchés mondiaux. La France a besoin d’un véritable choc de compétitivité, et donc de croissance.
Dès 2017, il faudra baisser massivement les charges pesant sur l’investissement pour un environnement favorable aux affaires et à l’innovation, aligner le taux de l’IS sur les pays européens comparables, supprimer l’ISF, renforcer l’actionnariat salarié ainsi que la politique de participation / intéressement, à la fois dans les grandes entreprises et dans les PME, privilégier le principe de responsabilité au principe de précaution qui bride la capacité d’innovation, et enfin instaurer la retraite à taux plein à 65 ans, avec alignement public/privé et des régimes spéciaux.