La sur-réglementation handicape la compétitivité de nos entreprises

Laure de La Raudière est député de la 3ème circonscription d’Eure-et-Loir, elle s’élève contre la sur-réglementation qui pénalise les activités des entreprises. En quoi notre regard sur les entreprises doit-il changer?


La France compte-telle un grand nombre de réglementations obsolètes ou inutiles? 


D’habitude, je suis attachée à notre culture spécifiquement française, mais il en est une qui m’exaspère – comme la majorité des Français d’ailleurs – c’est notre capacité étonnante à produire des normes! Nous pourrions citer de nombreux exemples de réglementations obsolètes ou stupides. L’inflation législative (ou surréglementation) est . Monsieur Hollande cherche des points de compétitivité: voilà où il peut en trouver! On estime à 200.000 le nombre de normes françaises pour «seulement» 20 000 le nombre de normes européennes… Imaginez qu’entre 1980, et aujourd’hui, la longueur moyenne du Journal officiel est passée de 15 000 pages à plus de 25 000 pages…
Il existe tout d’abord un corpus juridique constitué de normes obsolètes, voire même en contradiction avec les normes appliquées, qui n’ont plus aucune raison d’exister et mériteraient d’être tout simplement supprimées. Le jour où mon boucher m’a annoncé que son apprenti mineur, n’avait pas le droit de se servir de couteaux sans avoir une autorisation de l’inspection du travail, je me suis pincée pour voir si je ne rêvais pas! De même un apprenti mineur n’a pas le droit de monter sur un toit chez un couvreur, et un jeune, chez un éleveur laitier, n’a pas le droit de traire…


Quel impact produit cet excès de réglementation sur les entreprises? 

La sur-réglementation a des répercutions importantes pour nos entreprises: les employeurs se montrent réticents à embaucher du fait des obligations liées au franchissement de seuils d’effectifs (par exemple à partir de 11 salariés: mise en place des délégués du personnel ; à partir de 50 salariés: Mise en place du Comité d’Entreprise et du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, désignation de délégués syndicaux, négociation annuelle obligatoire, mise en place d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi en cas de licenciement économique collectif ; etc. Une étude de l’INSEE (économie et statistique n°437) avait constaté en 2012 qu’au vu des données fiscales disponibles, «on compte 33 000 entreprises de 9 salariés pour 17 000 entreprises de 10 salariés soit 1,9 fois plus d’entreprises de 9 que de 10 salariés». De même, à partir des données fiscales, «on compte 2,4 fois plus d’entreprises de 49 salariés que d’entreprises de 50 salariés». Ces chiffres montrent bien l’impact des effets de seuils sur l’emploi et notre économie… Par ailleurs, et c’est tout à fait révélateur de notre normativité excessive: Une raison de plus pour le chef d’entreprise de ne pas vouloir franchir ce seuil!


Parallèlement à cette normativité excessive vient également s’ajouter une autre spécificité bien française, qui consiste à durcir les réglementations européennes lors de leur transposition en droit Français! 

Il est ainsi surprenant que nous ayons 45000 installations classées en France, alors que l’application de la réglementation européenne strico sensu, conduirait à ne classer que 15000 installations…, pour ne citer qu’un seul exemple. A de nombreuses reprises depuis les années 1990, des voix se sont élevées afin de dénoncer cette inflation délirante, et les différents gouvernements de droite ont tenté d’y apporter des solutions. Lors de sa campagne présidentielle de 2012, le Président Nicolas Sarkozy avait consacré un de ses déplacements à ce sujet, en proposant de supprimer une norme dès lors qu’une autre était adoptée. 
Dans ce sens, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault vient de nommer Jean-Claude Boulard, ancien conseiller d’État honoraire et Maire du Mans, ainsi qu’Alain Lambert, Ancien Ministre et Président du Conseil général de l’Orne, à la tête d’une Mission de lutte contre l’inflation législative. Mais l’objectif affiché concerne les normes s’appliquant aux collectivités territoriales et se limite, selon les propres déclarations de Jean-Claude Boulard, à une cinquantaine … dans un premier temps!

Quelles dispositions faudrait il prendre pour s’attaquer sérieusement au problème selon vous?

Si cette initiative est louable, on ne peut que regretter son manque d’ambition en ne se limitant qu’aux seules collectivités territoriales! Le fait de ne pas s’occuper des entreprises, est symptomatique de la gauche. C’est oublier avec un certain mépris tous les acteurs économiques, en charge pourtant de la première préoccupation des français: l’emploi. Le mal est aujourd’hui si profond qu’un travail de fond de l’ensemble de notre corpus juridique serait salutaire. Pour cela, il conviendrait d’élaborer un système souple de dénonciation d’une règle qui n’a plus lieu d’être, et que le Gouvernement rédige des ordonnances deux fois par an pour les supprimer! Parallèlement, il faut impérativement s’imposer comme principe de ne pas durcir les réglementations européennes. Organisons-nous plutôt pour porter nos objectifs réglementaires ou législatives au niveau européen!

Seule une volonté politique forte et ambitieuse le permettra. J’espère sincèrement que le Gouvernement qui prétend avoir l’emploi et la relance de notre économie comme objectif principal, prendra conscience de l’ampleur de la situation. Il est en effet urgent d’alléger la gestion des entreprises, de libérer les talents et les énergies en France!