Une révolte? Non une révolution par Olivier Dassault

Alors que la France peine à sortir du « grand débat » lancé par l’exécutif, un autre débat se déroule à l’échelle mondiale. Il a pour protagonistes les Etats-Unis d’Amérique, la Chine, les membres des « 5 eyes » et les Etats européens. Il utilise des mots comme « 5G », « internet des objets » et « Huawei » ; mais aussi « espionnage », « sécurité nationale » et « souveraineté ». Ce débat c’est celui de l’avenir de nos réseaux de communications et de la révolution qu’ils vont subir.

Qu’est-ce que la 5G ?

C’est la cinquième génération standardisée de connectivité des ter- minaux mobiles et une véritable rupture technologique. Si la 5G nous promet des temps de latence en deçà de la milliseconde, sa pro- messe n’est pas uniquement celle de vidéos ininterrompues ou de débits ultra-rapides mais celle d’une connectivité totale. En 2020, les experts estiment le nombre d’objets connectés à 30 milliards : du réfrigérateur au baby phone, en passant par les voitures, les assis- tants domestiques ou les dispositifs médicaux connectés. Le monde de demain sera branché, câblé, connecté, partout, tout le temps.

En partant de ce constat, il apparait essentiel que les réseaux qui connecteront l’essentiel et l’accessoire, soient les plus sécurisés possibles. Il est tout aussi fondamental qu’ils ne soient soupçonnés de pouvoir servir les intérêts de puissances étrangères ou repré- senter une menace pour l’intérêt national, en France ou ailleurs.

Depuis plusieurs années, Huawei, particulièrement, est soupçonnée par de nombreux services de renseignement d’être, si ce n’est un faux nez pour les services chinois, une source importante d’informations utilisée à des fins d’espionnage industriel. La loi sur le renseignement national adoptée par la Chine en 2017 qui institue que « les institutions actives dans le domaine du renseignement national » peuvent « demander aux organes, aux organisations et aux citoyens compétents de leur assurer le soutien, l’aide et la coopération nécessaires. » ne fait rien pour rassurer et lever les doutes qui pèsent sur les entreprises chinoises.

Face à cette menace, réelle ou supposée, les avis divergent. A la pointe de ce combat les Etats-Unis ont décidé d’exclure les fabricants chinois de leurs réseaux au nom de la sécurité nationale. En réponse Huawei a attaqué le gouvernement américain en justice. L’Europe, elle, temporise tentant de ménager deux puissants partenaires.

En conséquence c’est sur notre continent que les pressions sont les plus fortes. Le gouvernement américain n’a pas hésité à manier le bâton avec ses alliés les plus proches comme l’Allemagne qu’il a menacée de ne plus avoir accès aux renseignements américains si Huawei n’était pas banni de ses réseaux. Le gouvernement chinois semble préférer la carotte avec des investissements massifs dans les infrastructures des pays les plus endettés comme la Grèce et le Portugal voire bientôt l’Italie. Dans cette guerre, les Européens sont divisés et l’Union qui les agrège, est incapable de définir l’intérêt général, laissant cette responsabilité aux Etats membres. Alors que cette révolution technologique donne lieu à un véritable Yalta entre chinois et américains, il est triste de constater que l’Union européenne n’est pas à la hauteur des enjeux, à quelques semaines des élections pour le Parlement européen.

« Ce ne sont point les hommes qui mènent les révolutions, c’est la révolution qui emploie les hommes » constatait Joseph de Maistre ; c’est toujours le cas deux siècles plus tard. La révolution tech- nologique d’internet n’en finit plus de bouleverser les mondes et peu nombreux sont les hommes capables d’en orienter le cours. Impuissants, les dirigeants politiques font semblant d’accompagner cette disruption généralisée de toutes les règles établies alors que souvent ils n’en sont que les spectateurs. La révolution annoncée de la 5G et le rôle crucial que vont jouer ses réseaux dans le futur n’est pas un gadget, c’est l’avenir. Il peut être tentant de dédaigner le sujet tant il semble ne relever que de la seule technique ; pourtant 2010 opérateurs télécoms dans 83 pays, ont fait le choix d’y investir lourdement alors que les premiers réseaux commerciaux ne devraient pas arriver avant 2020 voire 2025. Quelque chose d’essentiel est en train de se jouer et la France et l’Europe donnent l’impression de passer à côté alors qu’ils avaient eu un rôle fonda- mental dans la création d’Internet.

Il est dit que le courage est parfois l’effet d’une très grande peur, je préfère néanmoins le proverbe suivant « le courage croît en osant et la peur en hésitant », peut-être le moment d’oser est-il venu ?