Métropoles : hold-up institutionnel sur les communes par Sylvain Berrios

Sylvain Berrios, député du Val-de-Marne, appelle les maires de France à refuser de livrer l’avenir de leurs communes aux métropoles, véritables monstres technocratiques et à manifester leur désaccord.

Selon vous, la réforme de décentralisation du Gouvernement respecte-t-elle l’autonomie des communes ?

Je suis pour l’autonomie des communes et l’indépendance de nos territoires. Or, cette réforme remet en cause la compétence des maires en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire communal puisque les métropoles seront chargées d’établir des plans métropolitains de l’habitat et de l’hébergement qui s’imposeront aux documents locaux d’urbanisme. Ainsi, chaque ville se verra imposer des décisions contraires aux choix des habitants et perdra toute prise de décision sur son avenir.

De plus, un nouvel échelon administratif et politique a vu le jour participant ainsi à la complexité administrative et à l'illisibilité de l'action publique.

L'institution des métropoles est une confiscation du pouvoir des maires en matière d'urbanisme, d'aménagement du territoire et de logement. Sans concertation avec l'ensemble des communes, le Gouvernement passe outre les inquiétudes des maires et le refus exprimé au Sénat. Cette réforme contrevient au principe constitutionnel de libre administration des communes et à l'esprit de représentativité de la démocratie locale.

Et concernant les compétences des maires récemment élus ?

La réforme présentée par le Gouvernement visant à moderniser l’action publique territoriale et à affirmer le rôle des métropoles n’a été que le révélateur d’un objectif obsessionnel du Gouvernement et de sa majorité : celui de déposséder les maires de leurs compétences et d’imposer toujours plus de logement social.

Avec cette loi qui confisque toutes les compétences des maires en matière d’urbanisme, ceci aura pour conséquence de donner naissance à un monstre technocratique, sorte de démocratie administrative qui se substituera à la démocratie locale représentative. Alors que l’échelon communal a prouvé son efficacité, source d’équilibre et de cohérence des territoires et des politiques publiques, relai de proximité indispensable, reflet des choix et des aspirations légitimes des habitants, capable de créer des coopérations intercommunales intelligentes, le fait de confisquer les compétences des maires en matière d’urbanisme au profit du monstre technocratique que représente les métropoles relève de la provocation et d’une méconnaissance del’action publique territoriale.

Quel sera le coût de cette réforme ?

A ce jour, nous savons qu’une ponction sur les dotations de l’Etat aux communes aura lieu pour financer la création de ces nouvelles structures supra-communales. Pour atteindre son objectif, le Gouvernement aura usé de tous les stratagèmes en cachant au commissaire de la commission des lois le projet de Métropole de Paris afin d’éviter toute discussion, et surtout –ce qui est encore plus grave !-, en ignorant l’obligation de produire une étude d’impact budgétaire afin de taire le coût réel de cette réforme et les augmentations d’impôts qui en découlent.

En prenant l’exemple de la Métropole de Paris, l’actuel président de Paris Métropole évoque 4 à 5 milliards, mais la comparaison avec des métropoles équivalentes, pour peu qu'elle soit possible, donne plutôt autour de 2 milliards, comme les prévisions sur la base du transfert de la fiscalité. Dans tous les cas, il s'agit de sommes très considérables et, du fait que cette réforme ne prévoit de supprimer aucune strate existante, ce nouveau budget nécessitera des abondements supplémentaires, probablement de nouveaux impôts. Il faudra en effet financer de nouveaux personnels mais aussi, probablement, un nouveau siège pour cette métropole. C'est un chèque en blanc qu'on nous demande de signer, faute de réponse sur cette question.

Outre le coût exorbitant de la dotation de fonctionnement de cette suprastructure alimentée par les ressources prélevées sur les collectivités, il faudra s’attendre à une augmentation des prélèvements fiscaux…

Vous êtes élu dans une collectivité territoriale, comment percevez-vous les futures conséquences de cette réforme ?

J’ai dénoncé lors des débats à l’Assemblée nationale, et je dénonce encore le choc de complexité et d’inefficacité que représente cette réforme illustrée par la création d’un nouvel échelon politique et administratif, sorte de démocratie administrative parallèle.

Ce texte est abscons et conduit à créer un Haut conseil des territoires présidé par le Premier ministre, des métropoles, des pôles ruraux, une conférence territoriale de l'action publique, des conseils des territoires et un schéma régional de coopération intercommunal présenté à une commission régionale de coopération intercommunale, elle-même constituée de commissions départementales de la coopération intercommunale ! Et cet ensemble doit s'articuler avec les collectivités existantes : régions, départements, intercommunalités et communes. C’est ubuesque !

Le Gouvernement et sa majorité ont livré l'avenir des communes à un monstre technocratique qui exhale le poison d'un centralisme exacerbé, idéologique et destructeur de nos territoires et de la démocratie locale.

Je ne vous citerai qu’un exemple, pris dans le département dont je suis, le Val-de-Marne. Une partie travaille avec l’établissement public d’aménagement de Marne-la-vallée, une partie du 93, et une partie du 77, ce qui signifie qu’il y aura une césure en deux, ou trois, ou plus encore, de manière totalement arbitraire. Des projets pour lesquels des villes se sont investies durablement, des projets créateurs de nombreux emplois, dans lesquels les habitants ont mis beaucoup de leur cœur et de leur histoire ne verront pas le jour. Cette réforme passe à côté de choses si évidentes que si le Gouvernement avait été attentif aux recommandations des élus, des maires, il aurait su pourquoi ils ne pouvaient pas scinder arbitrairement ainsi la région Île-de-France et pourquoi ils auraient dû épouser, à tout le moins, les communautés de projets.

Enfin, cette réforme remet en cause la compétence des maires en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire communal puisque la Métropole de Paris sera chargée d’établir un plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement qui s’imposera aux documents locaux d’urbanisme. Ainsi, Saint-Maur, ville dont je suis élu, se verra imposer des décisions contraires aux choix des Saint-mauriens et perdra toute prise de décision sur son avenir.

Que proposez-vous ?   

Je propose de s’opposer fermement à cette réforme qui ne prend pas en compte les spécificités historiques et géographiques des communes en confisquant le pouvoir des maires en matière d’urbanisme, d’aménagement et de logement. J’ai demandé au Gouvernement le retrait immédiat de cette réforme et l’organisation d’une véritable concertation avec l’ensemble des communes pour remettre à plat le projet de loi de décentralisation dans son ensemble.

Lors des débats à l’Assemblée nationale de cette réforme, j’ai aussi interpelé la ministre sur la nécessité de simplifier le millefeuille administratif, source de dérives des finances publiques ; de rendre plus simples, plus lisibles et plus accessibles les processus de décision pour les acteurs publics ; d’un acte fort de décentralisation basé sur la confiance, le respect et la responsabilité des élus locaux, notamment des maires.

J’ai une conception toute autre de la métropole, fondée sur la légitimité du suffrage universel, sur le respect des libertés locales et sur la possibilité de laisser aux Français le choix de leur avenir.

Le véritable enjeu, les véritables besoins de modernisation de l’action publique, résident dans la lisibilité de l’action publique, dans la simplification des processus de décision, dans l’affirmation de l’identité des territoires, dans la capacité d’expérimentation et d’innovation des acteurs publics, dans le respect du principe de subsidiarité dans l'exercice de la clause de compétence générale.