L'intelligence économique, source de compétitivité pour les entreprises par Guillaume Chevrollier

Guillaume Chevrollier, député de la Mayenne, souhaite diffuser la culture d'intelligence économique. Source incontestable de compétitivité des entreprises françaises dans un contexte de globalisation, l'intelligence économique doit être portée par l'Etat et la sphère politique comme un outil de création d'emploi et de croissance.

La notion d'intelligence économique est encore floue pour bon nombre de nos concitoyens et c'est aussi vrai pour nos dirigeants de sociétés. En quoi cette pratique est-elle essentielle pour la compétitivité des entreprises françaises ?

En France, l'Intelligence économique est connue et reconnue au plus haut niveau de l'Etat et dans les conseils d'administration des grands groupes. Mais le citoyen lambda ou le chef d'une ETI, d'une TPE-PME a une vision de l'intelligence économique trop parcellaire. Elle se limite généralement au seul aspect de veille technologique, réglementaire, commerciale...

Or, la mise en oeuvre d'une pratique d'intelligence économique, outre effectivement le volet veille, implique également un volet sécurisation et un volet influence.

Ces trois aspects fondamentaux de l'IE sont aujourd'hui face à la globalisation économique, à un environnement mouvant et aux surprises stratégiques. La concurrence est exacerbée, il suffit de regarder du côté des BRICS (Brésil- Russie- Indes- Chine- Afrique du Sud) pour s'en convaincre : ils développent leur secteur industriel et leur secteur des services sur les bases d'une compétitivité dangereuse pour nos entreprises.

Si nous voulons rester dans la course, si nous voulons créer des emplois, il est indispensable de s'adapter aux nouvelles règles du jeu. La mondialisation est une source d'opportunités si on sait se prémunir des risques.

Les Américains, depuis bien longtemps et les Chinois plus récemment, ont comprisles vertus de l'IE. Les révélations autour des pratiques de la NSA montrent bien que l'obtention et la maîtrise de l’information sont essentielles. Elles montrent également combien il est nécessaire de sécuriser les systèmes d'information des entreprises.

La France doit suivre ce mouvement, c'est encore plus vrai aujourd'hui face à la crise et demain dans la perspective de l'Accord de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis. Les entreprises agricoles et agro-alimentaires, par exemple, seront confrontées aux géants américains du secteur. La maîtrise des pratiques de l'IE et la connaissance stratégique seront obligatoires pour leur développement commercial et leur pérennité.

 

L'intelligence économique assure le développement des entreprises. Comment les ETI et les TPE-PME ont intégré cette notion ?

 

Les ETI et les TPE-PME sont les moteurs de notre économie, je le vois chaque jour sur mon territoire en Mayenne. Or ces entreprises qui possèdent des savoir-faire et des actifs immatériels susceptibles d'être protégés, ne sont pas suffisamment sensibilisées à la culture et aux méthodes de l'Intelligence économique. En France, seules 15 à 20% des entreprises de moins de 200 employés pratiquent l'Intelligence économique.

Pourtant, dans le contexte actuel de guerre économique, elles ont, au même titre que les grandes entreprises, besoin d'avoir à leur disposition de l'aide à la décision et des outils de protection.

Bien sûr, beaucoup d'entre elles n'ont ni les moyens financiers ni les moyens humains de mettre en oeuvre une politique d'intelligence économique. Mais elles peuvent mutualiser leurs efforts au sein de pôles de compétitivité ou de grappes d'entreprises, démarches qui sont soutenues par l'Etat.

Les petites entreprises doivent également sortir d'une logique « retour-sur-investissement-rapide » et travailler sur des démarches de long terme, de développement durable. Certes, la période actuelle pousse à réfléchir à deux fois en termes d'investissement mais les entreprises doivent être convaincues qu'investir dans les procédures de recherche et de développement et, plus précisément dans les procédures d'intelligence économique, leur sera bénéfique. À l’inverse, la défaillance informationnelle pourrait leur être fatale.

 

Quelles sont, selon vous, les clés d'une politique d'intelligence économique réussie ?

L’Etat doit sensibiliser à la pratique de l’IE. C’est incontournable. Il doit proposer des formations à nos étudiants et aux professionnels, poursuivre et accentuer le travail de sensibilisation en cohérence avec sa politique d'intelligence économique territoriale.

La garantie de la sécurisation et de la compétitivité des secteurs stratégiques préalablement identifiés par l’Etat est indispensable. Elle passe par le jeu de la collaboration avec les entreprises, où l’Etat devient le transmetteur des informations nécessaires à leur développement.

Mais surtout, la puissance publique est tenue d’avoir un positionnement pro-actif en termes d'influence. Nous sommes soumis aux contraintes de la globalisation. Plutôt que de les subir, agissons.

Un rapprochement de la France de toutes les organisations internationales, multilatérales ou européennes à vocation économique et financières (OMC, OCDE, FMI...) qui dictent les règles du jeu, est inévitable. En faisant entendre la voix de la France, en participant à l'activité normative, nos entreprises bénéficieront d'une compétitivité égale à leurs concurrents internationaux. Cette présence dans les organisations internationales, espace d'informations ouvert, est également essentielle en termes stratégiques. Il s’agit pour nos représentants de penser Intelligence Economique en faisant de l'influence au profit de l'équipe France, en collectant l'information utile etpertinente sur nos concurrents, sur l'environnement, sur les futures normes qui permettront à notre économie d'anticiper.

Mais surtout, notre pays bénéficie encore d'un rayonnement culturel sur lequel il doit s'appuyer. Travaillons avec notre réseau de la francophonie. Imposons nos modes de pensée, nos ressorts culturels et nos visions. Non seulement, nous maintiendrons notre identité industrielle et culturelle, mais nous façonnerons aussi les marchés à notre image. Nos entreprises seront davantage en capacité de dominer la concurrence car ce seront nos normes qui seront imposées.

Enfin, militons pour une politique d'Intelligence économique communautaire, même si aujourd'hui à Bruxelles la conception française est encore trop perçue comme un patriotisme économique. La France a besoin d'une Europe forte et il faut que chaque Etat sorte d'une logique purement nationale.

 

Que pensez-vous de la notion actuelle du Secret des affaires ?

Il faut que les parlementaires, notamment ceux de la commission des lois qui travaillent sur le sujet, prennent cette question très au sérieux. Une refonte du droit des affaires s’impose, afin de prendre des mesures adaptées à la défense du secret des affaires.

Une réforme du Code de la procédure civile est nécessaire, à l'image de ce qui est déjà applicable devant l'Autorité de la concurrence où le rapporteur général peut refuser à une partie la communication de pièce mettant en jeu le secret des affaires. Le secret des affaires est donc à redéfinir juridiquement.

 

Nous devons tous nous imprégner de la culture IE et c'est à nous, politiques de choisir pour notre économie cette direction et engager une démarche collective entreprise-Etat. Il en va de notre compétitivité et de nos emplois, c'est un enjeu national, l’intérêt général le commande.