L’exportation : un potentiel illimité pour le savoir-faire Français par Thierry Mariani

Thierry MARIANI, ancien Ministre, Député des Français de l’étranger, rappelle l’importance de l’exportation pour nos entreprises. La France doit donner l’envie d’exporter et transmettre l’image d’un pays industriel dynamique.

Le développement des entreprises françaises à l’international est souvent jugé insuffisant. On explique cette situation à la fois par une insuffisante compétitivité à l’export, un manque d’intérêt de nos entrepreneurs pour l’international, une action pas assez efficace des pouvoirs publics ou encore des réticences culturelles de la part des chefs d’entreprise Français. Quel est votre analyse ?

 

 Si les grands groupes français comme Alstom, Dassault, Danone ou l’Oréal sont très présents à l’international, nous pouvons déplorer la faiblesse de nos PME en matière d’exportation et d’investissement à l’étranger. En plus, d’un manque de compétitivité et d’une capacité d’investissement limitée, force est de constater la frilosité de certaines de nos PME face à l’international. Aussi, nous devons améliorer l’efficacité globale de notre système de soutien à l’export. Si l’État ne peut se substituer aux entreprises, il a la mission de s’adapter en permanence aux besoins des entreprises d’autant plus qu’elles sont confrontées à une pression concurrentielle croissante.

En comparaison, l’Allemagne a un système d’aides à l’export plus simple mais aussi plus efficace. Les Allemands peuvent s’appuyer sur des organismes de promotion très puissants et l’effort à l’exportation est plus rassemblé. En France, il y a une  trop grande complexité des mécanismes publics de soutien et d’accompagnement de nos entreprises à l’étranger. Il faut que l’équipe que forment ensemble les différents acteurs soit réelle et que tous fonctionnent avec les mêmes objectifs sans se concurrencer. À cet égard, il y a urgence et nous devons rapidement prendre des mesures qui s’imposent ! En effet, malgré une mobilisation grandissante des dispositifs publics de soutien aux exportations (de 225 à 320,17 millions d’euros entre 2008 et 2012) le déficit commercial apparu en 2002 ne cesse de croître en atteignant le record historique de 74 milliards en 2011.

La réforme de nos structures publiques destinées à accompagner le développement international de nos entreprises est un véritable « serpent de mer ». Quels principes devraient guider cette réforme pour lui assurer une efficacité maximale ?           

Aujourd’hui, seulement 10 % des entreprises qui exportent utilisent des dispositifs de soutien pilotés par l’État (hors dispositifs régionaux). Le réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) International accomplissent un formidable travail maispeuvent parfois faire partiellement doublon avec les bénéficiaires des dispositifs étatiques. Selon une enquête réalisée par l’IFOP pour l’OSCI (organisation professionnelle des Opérateurs Spécialisés du Commerce International), les chefs d’entreprise estiment le système français de soutien à l’export peu ou pas efficace (61%), peu ou pas compréhensible (66 %) et peu ou pas adapté au contexte économique actuel (67 %). Ainsi, il apparait qu’une concertation est nécessaire avec les entreprises. Ce sont elles les utilisateurs du réseau, et elles sont, par la même, les plus capables d’en diagnostiquer les faiblesses et d’en concevoir la réforme, y compris de manière différenciée en fonctions situations locales. Il me parait également indispensable de consulter nos compatriotes établis à l’étranger, capables de nous apporter des compétences et des connaissances précieuses touchant nos marchés extérieurs.

 

Le principal problème n’est-il pas historique et culturel ? Les chefs d’entreprise Français n’éprouvent-ils pas une invincible méfiance vis-à-vis de l’international ?

 Il faut quand même rappeler que la France continue d’être une grande puissance commerciale au niveau mondial. Selon l’agence Reuters, en 2012, notre pays est connu pour être le 3e pays le plus innovant du monde. La France s’inscrit avec succès dans la mondialisation grâce à nos grandes entreprises mais aussi grâce à des initiatives individuelles qui s’enrichissent constamment de nouveaux arrivants. Cependant, nos entreprises peinent trop souvent à trouver des collaborateurs susceptibles de piloter leur développement à l’international. Cette situation est imputable en partie à un manque d’ouverture dans les formations - je constate que la plupart des établissements travaillent aujourd’hui à combler ces lacunes. Elle s’explique également par une trop faible proportion de Français ayant une expérience professionnelle à l’étranger qui est pourtant un atout majeur pour notre économie. L’activité des citoyens français hors de nos frontières doit être valorisée au mieux, notamment au bénéfice des entreprises désireuses de conquérir des marchés à l’export. Le Volontariat International en Entreprises (VIE) constitue le principal instrument de cette politique (85% des volontaires étant embauchés à la sortie). Nous devons, par ailleurs, faciliter l’accès à ce type d’expérience à tous les jeunes actifs. Si, aujourd’hui, les grandes entreprises emploient plus facilement des VIE que les PME, nous devons favoriser l’emploi de VIE par les plus petites entreprises. Nous pourrions, par exemple, créer un contrat « post VIE » combinant à la fois des avantages du VIE (exonération de certaines charges) et des caractéristiques du contrat d’expatriation ce qui créerait une continuité bénéfique aux PME. Il m’apparait essentiel de faire du VIE un moyen d’insertion internationale pour les jeunes actifs.

 

Les grands débats concernant le rayonnement économique de la France à l’international se concentrent en général sur la question de l’exportation et de l’investissement. Quel rôle devrait être reconnu aux Français qui s’établissent hors de nos frontières pour y créer des entreprises ?

Les Français établis hors de France constituent une population de près de deux millions de personnes présente sur tous les continents. Porte-parole de la France dans le monde, fer de lance de l’économie française, ils contribuent au rayonnement et à la diffusion du savoir-faire français. Le profil, les motivations et les activités de ces citoyens français ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Souvent stigmatisée par la Gauche, cette population reflète aujourd’hui parfaitement l’insertion de la France dans la mondialisation : elle inclut notamment des entrepreneurs, des salariés d’entreprises étrangères, des retraités et un nombre toujours croissant d’étudiants. En facilitant la circulation de ces expatriés entre la France et les pays où ils ont choisi de s’installer - grâce à la simplification des démarches administratives ou à la mise en place d’un régime fiscal favorisant le retour en France - l’économie française pourra bénéficier de leur expérience, notamment en ce qui concerne le développement des marchés à l’export.

Aussi, il serait souhaitable de concevoir un dispositif répondant aux besoins propres des entrepreneurs français de l’étranger ne disposant pas d’une base en France. Les Chambres de commerce françaises ont un rôle déterminant à jouer et devraient être plus efficacement soutenues.