Le nucléaire emploi d’avenir en France ? par Claude de Ganay

Depuis son élection en 2012, Claude de Ganay, député du Loiret, s’est particulièrement investit au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, notamment dans le secteur du nucléaire.

Membre de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, il siège au Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire. (HCTISN) depuis 3 ans. En septembre 2013, il dépose une proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès aux installations nucléaires de base.   

 

Monsieur le député, que pensez-vous du débat national sur la transition énergétique qui doit être engagé prochainement ?

J’y suis tout à fait favorable. Le principe de transition énergétique n’est pas contesté par notre famille politique, puisque c’est le Président de la République Nicolas Sarkozy qui l’avait introduit en France, autour de deux grands piliers : croissance verte et souveraineté énergétique.

Les réserves mondiales de pétrole s’amenuisent, les coûts économiques et environnementaux de son extraction et de son utilisation ne feront qu’augmenter : ce n’est pas une énergie d’avenir. C’est pourquoi nous devons penser le monde d’après-demain, dans lequel les énergies carbonées ne feront plus partie de notre quotidien. Cela signifie d’abandonner les moteurs à explosion de nos véhicules, de fermer les centrales thermiques qui produisent encore dix pourcent de notre électricité, d’utiliser moins de plastique, et la liste est longue ! Pensons aux générations futures qui hériteront de la situation que nous leur laisserons.

Vous parlez d’avenir, mais alors pourquoi défendre l’industrie nucléaire ?

Pourquoi ? Parce que si novatrices soient-elles, les sources d’énergies renouvelables comme les éoliennes ou les panneaux solaires ne permettent pas d’assurer un approvisionnement continu en électricité. Seules les centrales nucléaires, qui ne sont pas soumises aux aléas du temps, des vents et des marées, sont à même de subvenir aux besoins permanents d’un pays comme le nôtre. Les énergies renouvelables sont une opportunité formidable pour la France, mais elles sont et demeureront les compléments d’autres sources régulières d’électricité. Il est donc illusoire de penser que nous parviendrons, en l’état de notre technologie et des capacités actuelles de stockage d’électricité, à nous passer de notre outil nucléaire.

Les Français doivent au nucléaire un coût de l’électricité parmi les plus bas d’Europe, tant pour les ménages que pour les entreprises. Ils lui doivent un taux d’émission de gaz à effet de serre deux fois moindre que celui de l’Allemagne qui, ayant fermé ses centrales nucléaires de manière unilatérale, se trouve forcée d’ouvrir de nouvelles centrales à charbon, néfastes pour l’environnement ! Et sans pour autant avoir réglé la question de sa dépendance au gaz russe.

Promouvoir le nucléaire, c’est aussi investir dans des emplois qui ne seront pas délocalisés, dans des industries de pointe qui aideront nos exportations ; c’est améliorer notre balance commerciale, tout en diminuant notre dépendance aux ressources venues d’ailleurs.

Vous êtes donc opposé à l’objectif présidentiel de ramener la part du nucléaire à 50% dans le mix énergétique français à l’horizon 2025 ?

C’est une promesse sans fondement ! Le candidat Hollande en avait besoin pour s’assurer du soutien de ses alliés écologistes, qui prônent eux une sortie totale du nucléaire. C’était une combine électorale ; ce n’est en rien un plan industriel de long terme ! Réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique français signifie fermer, purement et simplement, une vingtaine de réacteurs de 900 mégawatts, et menacer directement 40.000 emplois.

Mais cet objectif est, paradoxalement, assez simple à atteindre ! Il suffit d’arrêter d’investir dans notre outil nucléaire, et celui-ci deviendra rapidement obsolète, au point de forcer la fermeture de nombreuses centrales. Tant pis pour les techniciens qualifiés qui y travaillent.

Que répondez-vous à ceux qui pointent les dangers et les « coûts cachés » du nucléaire ?

La question des dangers mérite d’être posée, car les centrales nucléaires sont des sites sensibles qui doivent être protégés, physiquement comme juridiquement. Je regrette d’ailleurs que la proposition de loi que j’avais déposée en ce sens, visant à renforcer les conditions d’accès aux installations nucléaires de base n’ait pas été retenue, alors que les professionnels des secteurs l’espéraient. Toutefois, leur sûreté matérielle reste assurée de manière remarquable par les gendarmes, les techniciens, les agents de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui y veillent tous ensemble.

Quant aux soi-disant « coûts cachés », je tiens à rappeler que le coût du MW/h du nucléaire est le plus bas du marché, avec l’énergie hydroélectrique provenant des barrages. Et ce malgré les investissements initiaux que nécessitent ces installations, qui sont colossaux, ainsi que les coûts liés à l’entretien et leur « fin de vie ». Mais parle-t-on des coûts des panneaux solaires, par exemple, dont la production nécessite l’extraction de terres rares au moyen de procédés très polluants ?

 Il n’existe pas d’énergie « gratuite », il n’existe pas d’énergie parfaitement propre. En termes de production d’électricité, tout est question d’investissement, de fiabilité, de rendement, et de pollution minimale. Et selon ces critères, le nucléaire prime.

Mais alors, pourquoi vouloir cette transition énergétique ?

Parce que nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle. La France pollue encore trop, et dépend toujours de ses importations d’hydrocarbures. Toutefois, nous détenons toutes les cartes en main pour faire mieux. Choisissons d’investir intelligemment dans les énergies renouvelables, en ayant conscience de leurs limites. Repensons nos manières de consommer, de nous loger, de nous déplacer. Ayons l’audace de poursuivre la recherche dans l’industrie nucléaire et les réacteurs de dernière génération. Osons faire le pari qu’un jour la fusion nucléaire soit une réalité.

Le débat sur la transition énergétique qui s’annonce à l’Assemblée nationale sera sans doute l’un des plus importants depuis le début du quinquennat de François Hollande. J’ai crainte toutefois que ce débat soit accaparé par les passions et saboté par les idéologies. Ce débat mérite mieux que des positionnements idéologiques et des promesses sans lendemain.