Pour l’avenir de nos entreprises, formons au numérique ! par Laure de la Raudière

Co-rapporteur de la mission : « Développement de l’économie numérique», publiée en 2013, Laure de la Raudière, député d’Eure et Loir, a récemment déposé une proposition de loi visant à imposer la maîtrise de la langue française, la lecture, écrire, savoir compter et coder comme objectifs fondamentaux d’apprentissage à l’école primaire.

Le Président de l’Assemblée nationale lui a confié la présidence de la mission d’information sur la simplification législative.

 

 

L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce : « la libre communication des pensées et des opinions ». Quel support aujourd’hui respecte mieux ces principes qu’Internet ?

Pour la première fois de notre histoire, une « technologie » s’est diffusée en moins de vingt ans sur l’ensemble de la planète. Deux milliards d’individus sont désormais reliés par Internet. La révolution numérique bouleverse nos modes de vie, nos relations, notre culture, notre éducation, notre économie, nos institutions, le fonctionnement même de notre société, et ce, brutalement, en profondeur et de façon durable.

Nous vivons une époque totalement inédite où chaque citoyen connecté peut rentrer en contact avec le monde entier soit pour exprimer ses idées, soit pour entreprendre une activité économique. Internet devient donc le support de droits fondamentaux essentiels : la liberté de s’exprimer et la liberté d’entreprendre ! Le numérique réinvente la société.

Cette double révolution de démocratisation du savoir et de mutation industrielle profonde a, et aura, au moins autant d’impacts de transformation de la société que l’invention de l’imprimerie par Gutenberg en son temps ou la révolution industrielle du 19ème et 20ème siècle, quand la machine a remplacé l’homme pour les taches nécessitant de déployer une énergie croissante.

Pour autant, les changements si profonds et rapides liés au numérique n’ont pas encore eu d’impacts majeurs sur le fonctionnement de nos institutions politiques, démocratiques et sociales : nos organisations sont restées au XXème siècle, avec une certaine réticente à passer pleinement au XXIème siècle…

Et c’est le cas notamment dans le domaine de l’éducation nationale.

Pourquoi cette réticence ? Est-ce par méconnaissance des enjeux du numérique ?

Certainement, mais pas uniquement. Cette troisième révolution industrielle est celle de l’innovation. Or la France, pays des lumières, pays qui fut audacieux au XIXème siècle en inventions industrielles est devenu timorée face à la nouveauté. Nous mettons systématiquement les peurs et les risques en avant plutôt que vouloir expérimenter de nouvelles organisations plus ouvertes, plus horizontales, plus collaboratives !

Autant les usages du numérique se diffusent rapidement dans la société, car nos concitoyens voient immédiatement les bénéfices apportés par ces nouveaux services ; autant la compréhension des enjeux de transformation brutale de notre économie et de notre société reste le fait d’un faible nombre, souvent directement impliqué dans le développement du numérique. Il est primordial de mieux et plus diffuser la culture du numérique et le « changement de monde » qu’elle entraîne.

Plusieurs canaux essentiels à la diffusion d’une culture numérique doivent être mobilisés : et l’école en fait partie.

La formation de tous aux usages du numérique est la clef de voute de l’accompagnement de la transformation de la société et de l’économie.

Internet n’est ni « bien », ni « mal ». Internet est un outil, qu’il faut savoir utiliser pour en tirer tous les bénéfices en évitant les dangers. Plutôt que de vouloir censurer Internet, apprenons à nos enfants à se servir d’Internet, comme nous leur apprenons les gestes quotidiens de la vie. Montrons leur que les lois s’appliquent sur Internet comme ailleurs et que les règles de vie en société - notamment le respect des autres et des opinions - doivent y être aussi appliqué.

Quelle pédagogie ? Quel accompagnement des enseignants ? Quel suivi des expérimentations ? Comment affronter le vrai débat, qui est celui de la préparation de nos enfants à la société à l’ère du numérique où la transmission du savoir est devenu moins important que l’apprentissage à l’expérimentation, à la création, à la prise de risque, à assurer les échecs pour réussir ensuite.

Nous devons notamment enseigner le code informatique à nos enfants, en premier pour qu’ils comprennent comment les applications qu’ils utilisent, sont conçues, afin qu’ils n’en soient pas juste des consommateurs « béats », en second pour qu’ils puissent s’orienter vers des formations de développement informatique, afin que la France profite du relai de croissance et d’emploi que représente le numérique. L’éveil à la programmation est aussi un excellent exercice de logique, et un atout pour « se débrouiller » au quotidien dans une société de plus en plus complexe. Les enfants du XXIème siècle doivent savoir lire, écrire, compter et coder.

La formation au sein de l’école n’est pas suffisante. Il faut accélérer la création de cursus universitaires adaptés au besoin du marché de l’emploi. Aujourd’hui des écoles privés se sont développées que ce soit Sup’Internet, la Web_SchoolFactory ou l’école 42 à Paris, ou Simplon Village à La Loupe en Eure-et-Loir, pour répondre aux besoins des métiers du numérique. Leur méthode d’apprentissage et les relations école-entreprises sont innovantes, formant ainsi des jeunes parfaitement adaptés aux emplois du secteur. Pourquoi l’université ne reproduirait-elle pas tout simplement ces modèles ? Et rapidement…

Le numérique est aussi facteur d’équité et de progrès en matière d’éducation

Pourquoi ne pas favoriser des expérimentations de pédagogie inversée ?

On imagine facilement que demain, les devoirs à la maison soient uniquement l’apprentissage du cours par le biais d’une vidéo. Les parents savent bien qu’à partir d’un certain niveau, ils ne sont plus capables d’aider chez eux leurs enfants à faire correctement les exercices en mathématiques, en physique, en anglais, en français ou en histoire… Le temps passé à l’école, avec le professeur, serait consacré aux exercices, faits avec l’aide d’un logiciel permettant de plus facilement et mieux individualisé l’enseignement. Cette organisation serait certainement plus équitable pour les enfants en difficulté scolaire.

Oui, agir pour une France numérique nécessite de l’audace. Or, l’une des principales lacunes dont souffre notre pays est une certaine frilosité à l’égard de la disruption, de la prise de risque et de l’innovation radicale. Il s’agit donc avant tout d’un frein culturel, plutôt récent si l’on pense que la langue française a forgé le mot « entrepreneur » avant de l’exporter au monde entier !