Mon espérance pour les entrepreneurs de France par François Rochebloine

François Rochebloine, a choisi de s’inscrire au groupe d’études afin de marquer son soutien aux entreprises. Il est ancien directeur commercial d’une PME, et est député de la Loire depuis sa première élection en juin 1988. Constamment réélu depuis, il a été 1er adjoint au Maire de St Chamond (1989-2001) et vice-président du Conseil général de la Loire (1991-2010).

Pourquoi intervenir en faveur des entreprises ? 


N’y-a-t-il pas déjà suffisamment de mesures favorables à l’économie et à l’emploi ? Beaucoup de mesures ont été prises, mais manifestement toutes n’ont pas été à la hauteur des enjeux, sinon notre pays ne serait pas dans la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui. Il y a trop de réglementations qui brident l’économie et sont de ce fait contre-productives. Les entrepreneurs sont les mieux qualifiés pour créer de l’emploi, en produisant et créant de la richesse. Cette dynamique, l’Etat ne doit pas la casser. Or trop souvent ces dernières années, on a pu avoir le sentiment que le développement économique et par voie de conséquence l’emploi n’était plus  une priorité nationale. L’esprit d’entreprise est un moteur qu’il faut soutenir. Dans mon action de député, je mets un point d’honneur à me rendre totalement disponible auprès des entreprises de ma circonscription. C’est un engagement concret, car ce sont les entreprises – et d’ailleurs toutes les entreprises- qui font la vitalité d’un territoire. Les TPE, PME et ETI de notre pays, constituent un fabuleux réservoir de ressources, de dynamisme, d’inventivité… 

Le parlementaire que vous êtes, perçoit-il cela sur le terrain dans sa région ? 

C’est une réalité. Il est vrai que je viens de l’industrie, puisque j’ai fait une partie de ma carrière professionnelle comme directeur commercial d’une PME. J’ai la culture d’entreprise et je suis toujours resté en contact avec les entreprises de ma région, TPE ou PME, qui sont le moteur de notre économie. De plus, traditionnellement, le tissu économique des bassins d’emplois du département de la Loire ont été marqués par l’industrie, notamment de la sous-traitance et des réseaux de TPE-PME, avec d’innombrables savoirs-faire et des compétences reconnues. Cependant, la désindustrialisation (houillères, sidérurgie, mécanique lourde, textile…) de notre pays a fortement impacté ce tissu économique et lorsque de gros donneurs d’ordre ont fermé leurs portes, il a fallu relever le défi des reconversions. Les entreprises qui ont pu résister à ces profondes transformations ont su faire preuve d’une formidable capacité d’adaptation pour investir, former, innover et rester compétitives malgré la complexité des normes ou des réglementations. Avec le recul, je pense que nous n’étions pas vraiment préparés à affronter de tels changements, et ce dans la plupart des domaines. Tout cela est allé très vite, peut-être trop vite. Aujourd’hui, de nouvelles générations d’entrepreneurs se battent pour conquérir de nouveaux marchés ou tout simplement résister à la concurrence. La situation est souvent difficile, on ressent qu’il s’agit là d’un combat de tous les jours. Personnellement, je rends hommage à toutes celles et tous ceux qui assument la responsabilité de chef d’entreprise dans ce contexte.


Plus le temps passe, et plus on accumule des normes, des textes, toujours plus compliqués et plus difficiles à appliquer. Le code du travail lui-même n’est pas lisible par le commun des mortels.

Croyez-vous qu’il soit possible d’échapper à cette tendance ? 

C’est un fait indéniable, notre droit est plus que jamais une affaire de spécialiste. Il faut souligner que l’épaisseur du code ou le nombre de pages ne dépend pas uniquement de la fièvre législative des gouvernements, on le sait bien, car la jurisprudence vient enrichir chaque année elle aussi le droit du travail, ce qui fait le bonheur des juristes. Quant à la simplification, on sait d’expérience, que plus on en parle, moins elle semble d’actualité… Souhaitons que la future majorité ait plus le souci de la simplification que celui d’ajouter des couches supplémentaires au millefeuille ! L’alternance politique doit permettre de renverser l’ordre des priorités, et c’est bien l’orientation politique des réformes qui doit être revue. Je ne voudrais pas revivre le débat surréaliste sur le compte personnel d’activité de la loi El Khomri, et l’affaire du compte pénibilité, véritable « usine à gaz » s’il en est… ; en légiférant de la sorte, le Gouvernement s’est fourvoyé, en envoyant le plus mauvais signal aux entrepreneurs de notre pays, déjà peu enclins à développer et à embaucher dans le contexte actuel, avec les résultats que l’on sait sur la courbe du chômage. 

Quelle est votre position à l’égard de la loi sur les 35 H ?

J’y suis totalement opposé, et cela depuis toujours. L’adoption de cette loi a sonné le glas de la lutte contre le chômage en France. Je me souviens de la réaction de mon ami Jacques BARROT, après le vote des lois AUBRY, il reconnaissait qu’il s’agissait probablement, de la mesure, je le cite, « la plus scélérate » que la gauche ait pu faire voter à l’époque. Reconnaissons que l’économie française a été et est encore lourdement pénalisée par les 35 heures, une réforme qui prétendait engager la France dans une démarche générale, marquée du sceau de l’obligation légale et de l’uniformité. La réduction du temps de travail, vue comme la solution face au chômage, au nom de l’idéologie du partage du travail, n’a jamais été une réponse pertinente. Les promoteurs de cette idée n’ont jamais recherché l’efficacité économique ni la croissance. Bien au contraire, la réforme a consacré le renoncement de la France à combattre à la racine ce mal endémique qu’est le chômage de masse depuis une quarantaine d’années. Ses promoteurs ont fait abstraction de la mondialisation qui s’est pourtant généralisée depuis, obligeant nos entreprises à s’engager dans une bataille de compétitivité toujours plus exacerbée et alors que par des lois contraignantes le législateur n’a cessé de leur imposer de nouvelles obligations. La théorie était peut-être séduisante mais à l’épreuve des faits, elle n’a fait qu’aggraver le chômage et contribuer à faire reculer la France dans de nombreux secteurs. 
D’ailleurs, combien de pays ont adopté cette démarche ? 
Il y a eu avec cette réforme, un manque de réalisme coupable, en ne prenant jamais en considération la réalité du salariat dans les TPE et les PME, et en consacrant globalement un véritable renoncement national face aux différentes crises. Les 35 heures furent une véritable catastrophe pour l’économie française.

Cette mesure reste un sujet sensible, paralysant pour les Gouvernements de droite et de gauche. D’autres réformes ont été mises en œuvre depuis mais jamais la suppression des 35 heures. Croyez-vous qu’il soit possible de changer les choses ?

Le débat sur la loi El Khomri a été à cet égard un révélateur de l’ampleur des blocages qui nous empêchent de libérer les énergies dans ce pays ! La montagne a accouché d’une souris, et le Gouvernement a réussi le tour de force de faire la quasi-unanimité contre lui. C’est malheureusement une nouvelle occasion ratée pour notre pays en panne de réformes utiles et efficaces. Il est vrai qu’il aurait fallu, dès l’alternance de 2002, mettre à l’ordre du jour la suppression des 35 heures et une réforme en profondeur du code du travail. Je regrette à cet égard que la droite et le centre n’aient pas eu la volonté de franchir le pas. Je ne sais pas si c’est par manque de courage de la part des gouvernements successifs que le vaste chantier de la flexibilité du travail n’a pu être ouvert plus tôt. Il est certain qu’il y a là une clé pour le marché de l’emploi. Mais on pourrait également parler de la relance indispensable de l’apprentissage et de l’alternance, trop longtemps délaissés, la revalorisation des métiers manuels, le respect des compétences et des savoirs-faire, de l’application des normes européennes et nationales par les administrations, avec ce minimum de bon sens qui fait trop souvent défaut, etc. Il est urgent d’adapter au plus vite notre législation aux réalités économiques présentes, et notamment à cette compétition économique qui n’autorise aucun renoncement et réclame surtout beaucoup d’efforts, du travail et de la constance. Dès 2017, l’ouvrage devra être remis sur le métier, c’est à mon sens une des actions que devra initier en priorité le futur gouvernement d’alternance.

La France semble donc toujours en panne sur le plan économique et social, en état de « crise » permanente. Or au fur et à mesure que l’état providence montre ses faiblesses et son incapacité de s’adapter aux exigences du temps présent, l’entreprenariat semble séduire de plus en plus de jeunes et être une idée qui progresse dans notre pays. Qu’en pensez-vous ?

Oui en effet, sous l’effet de la globalisation, de l’influence européenne et de la révolution technologique, on ressent cette aspiration au changement et ce besoin de libérer les énergies. Plus largement, le travail doit être revalorisé dans notre société. Cependant, tant que la France ne changera pas son regard sur le travail, sur les métiers manuels, tant que l’on entretiendra l’assistanat au détriment de l’effort et, tant que l’on reportera sur les générations futures notre incapacité à gérer le présent, je redoute ce déclassement que l’on semble percevoir dans certains domaines (désindustrialisation, perte d’influence,…), parce que notre pays aura du mal à se réformer et qu’il ne pourra pas affronter la concurrence mondiale de demain, développer son attractivité, innover et faire preuve de cette audace, de ce génie qu’on lui reconnaît.