Développement économique, dynamisation et attractivité : le rôle essentiel de l’élu pour son territoire par Claude Sturni

Député du Bas-Rhin, Claude Sturni est diplômé de l’École de management de l’Université de Strasbourg. Après 20 ans de carrière au sein de Millipore, entreprise américaine de biotechnologies, à des postes de direction en France et à l’étranger, Claude Sturni a été élu maire de Haguenau en 2008 puis député du Bas-Rhin en 2012. Membre de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education, du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, il est aussi vice-président du groupe d’études sur les Industries Mécaniques. 

Qu’est-ce que « l’industrie du futur » et comment le pouvoir politique peut-il accompagner ce mouvement ? 

L’industrie du futur, qui existe déjà en France et notamment en Alsace où plusieurs entreprises ont été labellisées, est un programme général qui implique nouvelles technologies, production de pointe, qualifications affinées pour les salariés ainsi qu’un management moderne. L’usine du futur est une réponse pour un secteur en recherche de compétitivité et pour un territoire qui développe son attractivité pour y faire venir des talents, d’autres entreprises partenaires et des pôles de formation.

Mais il ne s’agit pas de faire table rase et de partir d’une page blanche car d’une part l’industrie française possède des fleurons qu’il faut valoriser, et d’autre part il s’agit surtout d’une transformation interne aux entreprises. Pour ce faire les élus comme le gouvernement doivent mettre en œuvre les moyens nécessaires pour accompagner leur réussite et leur permettre de devenir un moteur de la croissance. Malheureusement trop de contraintes réglementaires pèsent encore sur l’industrie.

Elle a besoin de souplesse, de stabilité et de visibilité. Les entreprises attendent du gouvernement qu’il mette concrètement en œuvre le choc de simplification afin que celui-ci ne se réduise pas à de simples effets d’annonce. Or les améliorations ne sont pas flagrantes et le sujet beaucoup moins médiatisé… En tant qu’homme politique, je m’investis pour une industrie française créatrice de valeurs et d’emplois, connectée avec ses collaborateurs, ses outils de production, ses prestataires et partenaires, et son territoire.

Une industrie conçue pour répondre aux défis économiques, technologiques, organisationnels, environnementaux et sociétaux. Les entreprises ont en effet besoin de pouvoir compter sur la réactivité des acteurs publics car leur rôle est essentiel dans la performance industrielle de demain. Il est notamment impératif de renforcer la dynamique de valorisation des métiers de l’industrie auprès des jeunes. 

Quel doit être le rôle des territoires dans l’industrie française actuelle ? 

Beaucoup de territoires croient en l’industrie, notamment en l’industrie du futur. 
J’ignore s’il est possible de créer dans un territoire les conditions d’un tissu industriel s’il n’y en a pas déjà mais, dans ma circonscription proche de l’Allemagne, nous bénéficions de nombreuses entreprises bien implantées. Pour les garder nous leur prouvons combien nous y sommes attachés en les visitant régulièrement et en rencontrant fréquemment leurs dirigeants. Nous avons d’ailleurs créé un guichet unique pour faciliter leurs démarches administratives. 

Par ailleurs, nous prenons quelques mesures basiques pour asseoir la compétitivité de notre territoire en concentrant nos efforts sur l’accessibilité ou l’approvisionnement en énergie bon marché des industries. Nous nous efforçons de qualifier la main-d’œuvre en fonction des besoins des entreprises, d’où la création d’offres de formation de tous niveaux, notamment au niveau post-bac : l’industrie du futur aura en particulier besoin de techniciens, des techniciens supérieurs, ingénieurs. Notre bassin d’emploi représente 150 000 personnes à 30 kilomètres seulement de Strasbourg, et nous y avons installé des centres de formation et un IUT. Cet automne nous inaugurons une résidence pour jeunes alternants qui viendront effectuer une alternance ou un stage dans notre agglomération. 

Il s’agit là d’un investissement de 10 millions d’euros portés par les collectivités, l’Etat et le programme d’investissement d’avenir. 

Tous les niveaux de collectivité s’impliquent-ils de la même manière dans ces projets ? 
Avec les récents mouvements de création des métropoles puis des grandes régions, une dynamique de territorialisation est apparue, guidée par la nécessité pour les territoires de se positionner face aux métropoles et de développer leurs atouts, en termes de qualité de vie bien sûr, et aussi d’offre économique. L’industrie doit être au cœur des préoccupations des élus locaux. 

Il y a de très belles initiatives individuelles mais globalement, le manque de mobilisation et de dynamisme domine. En dehors de l’ambition d’une France industrielle, je m’interroge sur le degré d’intérêt des pouvoirs publics à mettre en face les outils favorables à la modernisation du système productif. L’inégalité territoriale est le point d’ombre avec le risque d’une fracture sociale. Conscient de cet enjeu majeur l’une de mes premières actions en tant que Maire de Haguenau, a été de favoriser l’accès au très haut débit dans ma commune. 

A Haguenau encore, notre priorité était d’encourager les industries existantes. Une usine du groupe Siemens a pratiquement doublé de taille en quatre ans et compte aujourd’hui plus de 800 personnes. 

Il convenait également d’encourager les nouveaux projets, tels que celui du groupe Mars, qui hésitait pour développer ses activités, entre le site de Haguenau et un site en Pologne. Notre démarche, commune à tous les pouvoirs publics, a convaincu le groupe de choisir le site alsacien, à proximité d’une usine de valorisation énergétique qui lui apporte de la vapeur verte. Le groupe Mars a donc investi 40 millions d’euros sur notre site, qui est devenu leader pour la fabrication des M&M’s.

Dans le système général d’éducation et de formation, la place de la filière industrielle est-elle à la hauteur des enjeux ? 

Concernant l’industrie, les pouvoirs publics doivent avoir à cœur de relever les défis de la formation des jeunes et veiller à ce qu’elle soit en phase avec les besoins en compétences des entreprises et du territoire. Il faut montrer aux jeunes, aux parents et aux conseillers d’orientation les opportunités offertes par le monde industriel et sa maîtrise des hautes technologies. La vague du digital va créer de nouvelles qualifications dans les usines et en faire disparaître d’autres. 


Dans ce contexte- là, la formation continue va s’avérer être un instrument indispensable pour mener à bien ces mutations. L’entreprise doit pouvoir être un lieu d’apprentissage étant donné l’accélération des compétences. La formation initiale sera également chamboulée par le numérique et obligera les écoles à « apprendre à apprendre ». C’est pour préparer au mieux les étudiants à ce nouveau monde industriel que l’IUT de Haguenau a mis en place une plate-forme pédagogique appelée « Smart Prod ». Il s’agit d’une ligne de production didactique haut de gamme pour préparer les élèves aux technologies du futur. 

Proche des entreprises et des industries implantées sur son territoire, la région est tout à fait légitime pour corréler l’orientation des jeunes avec le tissu économique local. Comme je le disais plus haut, la commune ou l’agglomération doit attirer des formations qui permettront une montée en gamme des compétences et proposer, comme à Haguenau, des solutions d’hébergement pour les jeunes alternants ou salariés.


Enfin je souhaiterais évoquer de manière plus générale le besoin en formation linguistique des jeunes surtout dans les zones frontalières, la formation à l’Allemand en Alsace, et l’importance du bilinguisme comme compétence favorisant l’accès aux emplois qualifiés.