Ancrage territorial, un atout pour le développement économique de notre Nation par Guillaume Chevrollier

Guillaume Chevrollier est élu député de la Mayenne depuis juin 2012. Il visite et soutient régulièrement les nombreuses entreprises de la Mayenne qui forment un réseau dense dans des domaines très variés où la part de l’agro-alimentaire demeure importante.

Pourquoi vous intéressez-vous aux entreprises patrimoniales ?

Les entreprises patrimoniales constituent la force vive de l’économie et de l’emploi de notre pays et ne sont pas suffisamment connues et reconnues. Pour prendre l’exemple de mon département, la Mayenne, nous avons des entreprises patrimoniales qui sont de véritables fleurons. Certaines  existent depuis quelques générations comme les Toiles de la Mayenne créées en 1806, ou le carrossier Gruau qui existait déjà à la fin du XIXème siècle. Elles concernent des domaines très variés comme l’alimentation (Lactalis, Réauté…), l’industrie (Gruau, Dirickx, MPO, SERAP…), la haute technologie, le travail des matières nobles comme le bois pour Dasras, Ferrand, et aussi beaucoup d’entreprises artisanales (Bichot, Romet…). Vous avez des entreprises dont le rayonnement est local, d’autres national ou d’autres enfin international (comme Gys, fabricant de chargeurs de batteries et de postes de soudage qui développe l’export en s’appuyant sur le haut de gamme).

Quels sont selon vous les atouts de ces entreprises ?

Elles ont un réel ancrage territorial et, malgré les difficultés rencontrées, font tout pour préserver l’emploi. Comme je le vois en Mayenne, leurs collaborateurs, locaux ou non, sont soucieux du développement et de l’avenir de leur entreprise et de ce département où ils trouvent une qualité de vie leur permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle. Ils sont donc très investis dans la société et consciencieux. Ces entreprises reposent le plus souvent sur des bases saines à savoir un pragmatisme économique, une recherche de l’intérêt commun, et un dialogue social sain et équilibré. Elles ont une souplesse et une réactivité qui leur permettent de s’adapter et de rester performantes.

Pourquoi dites-vous qu’elles sont méconnues ?

Parce que ces familles sont souvent inconnues du grand public. Cela tient notamment au fait que notre pays a un rapport faussé avec l’héritage, la réussite et l’argent, qui deviennent vite suspects, ce qui ne se retrouve pas dans les pays voisins. D’où, sans doute, la volonté de discrétion de ces familles. Pourquoi ces entreprises ont-elles besoin d’être soutenues ? Car nous avons dans notre pays un système fiscal lourd et complexe qui ne facilite pas la transmission, et qui met beaucoup de ces entreprises en péril lorsque cette transmission doit se faire. Là encore, nous nous distinguons des pays voisins où cette transmission se fait mieux, ce qui permet à ce type d’entreprises d’être plus nombreuses et de perdurer comme en Allemagne par exemple. Les chiffres sont éloquents. Le taux de transmission des entreprises patrimoniales en France est très faible, 14 %, alors qu’il est de 51 % en Allemagne et de 70 % en Italie. 

Il est dommageable de voir des sociétés viables contraintes d’arrêter faute de repreneurs.On doit aider cette transmission. Car elle n’est pas facile à envisager pour un patron créateur de son entreprise. La question de la légitimité de l’héritier se pose. Il a donc un choix difficile à faire entre un héritier ou un manager extérieur. Une succession réussie, qui comporte plusieurs volets (management, savoir-faire, gouvernance) doit se préparer des années à l’avance, ce qui n’est pas évident pour un entrepreneur déjà sur-occupé.

L’urgence est là puisque 27 000 entreprises patrimoniales par an doivent se transmettre en France d’ici 2020, mettant en jeu chaque année 330 000 emplois. J’ai pu voir des transitions se faire dans de bonnes conditions, comme la reprise de l’entreprise familiale Réauté par Buton, groupe familial ligérien.

D’autre part, il est anormal que notre système social et fiscal freine la croissance de ces sociétés. En effet, et je l’entends souvent, les patrons de ces entreprises hésitent à faire croître leurs sociétés du fait des contraintes fiscales, syndicales et sociales.

Quelles sont les réformes à apporter ?

Elles sont nombreuses et variées. Au niveau social d’abord, il faut assouplir ou mettre fin aux 35 heures, reculer et lisser les seuils sociaux, favoriser la formation et l’apprentissage… Il faut simplifier, cesser d’accumuler les normes et les contraintes. Nos PME étouffent sous les charges administratives alors que l’on continue à leur imposer des obligations nouvelles comme le compte pénibilité…

Au niveau fiscal ensuite. Notre fiscalité, on l’a vu, est meurtrière en ce qui concerne les droits de transmission, ce qui a provoqué la disparition ou la vente d’un trop grand nombre d’entreprises patrimoniales et familiales dans notre pays. Il faut simplifier et rendre lisible et stable notre système fiscal. Il faut alléger la fiscalité sur les entreprises, sur le capital, mettre en place un système fiscal attractif pour l’investissement des entreprises et pour l’épargne. Le coût de ces allègements sera compensé par la croissance qui sera favorisée. Il faut mieux accompagner le financement de la croissance. L’autofinancement, qui est le mode de financement privilégié de ces entreprises, est au plus bas en France depuis plusieurs années, bien inférieur à celui des entreprises allemandes.

En outre, les actionnaires familiaux non dirigeants sont tellement fiscalisés que l’investissement productif est freiné de ce fait. Il convient aussi d’aider les entrepreneurs à recourir davantage à du conseil extérieur, à renforcer l’information et l’accompagnement des dirigeants ce qui peut les aider pour leur développement, pour leur donner des outils de structuration financière, pour envisager leur transmission. Le soutien à l’innovation est également essentiel, à ce titre je me félicite de la labellisation French Tech pour la ville de Laval, Préfecture de la Mayenne.

Il convient enfin de valoriser l’image des entreprises patrimoniales françaises et de promouvoir leurs performances et leurs valeurs. Le dynamisme de ces entreprises, le courage de ces entrepreneurs doivent être reconnus. La relance économique de notre pays en dépend.