Quand l'esprit de l'administration l'emporte sur l'esprit d'entreprise par Damien Abad

Damien Abad, Député de l’Ain (membre de la commission des Affaires économiques) et Conseiller régional RhôneAlpes établi le constat préoccupant d’une bureaucratie qui étouffe dangereusement l’esprit d’entreprise. Il appelle à un changement radical au nom de la survie des entreprises dans notre pays

 

Vous faites un constat préoccupant des premiers pas du gouvernement Ayrault. Quel impact cela a-t-il sur le monde des entreprises?

Rarement les premiers mois d’une nouvelle majorité n’auront réussi à cristalliser autant de rancœurs et d’amertume à tous les échelons du monde économique. L’évoquer revient à affirmer une évidence tant le gouvernement de M. Ayrault a multiplié les mesures à contre-sens de l’histoire dans le cadre des différents textes budgétaires qui ont été soumis au Parlement depuis le mois de juin 2012. Des contre-sens historiques qui ont des conséquences pour le moins fâcheuses non seulement sur les ménages mais aussi (et surtout) à l’encontre du monde  de l’entreprise. A tel point, qu’il paraît légitime de se demander si François Hollande, à défaut de pouvoir s’attaquer comme il en avait fait la promesse durant sa campagne présidentielle à un monde de la finance, finalement jugé trop puissant, il avait fait du monde de l’entreprenariat une cible par défaut. C’est vrai qu’il est plus aisé de s’attaquer à une proie déjà lourdement affaiblie par la crise…
La simple déclinaison de quelques dispositifs fiscaux du budget 2013 permet de prendre la mesure de cette incongruité: report des déficits moins avantageux, niche Copé rognée, acompte de l’impôt sur les sociétés alourdi… Une des mesures phares concerne les intérêts d’emprunt, actuellement déductibles à 100 % du bénéfice imposable des entreprises, mais qui ne le seront plus qu’à 85 % pendant deux ans, puis à 75 %. Une mesure censée visée les grands groupes et qui, en conséquence, s’accompagne d’un dispositif spécifique pour éviter aux PME une hausse de l’impôt sur les sociétés.

Autre mesure complexe, celle concernant le nouveau dispositif d’imposition des plus-values de cessions des entreprises. Un choix aberrant qui augmente de 15 points une imposition dont les taux atteignent 42% alors qu’ils se situent entre 15 et 35% en Europe, et à 27% en Allemagne. Heureusement, les sociétés opérationnelles pourront garder l’option à 19% avec un cumul de conditions… dignes de l’administration de l’URSS à ses plus grandes heures! Ainsi, pour en bénéficier il faut: avoir exercé une fonction dans la société pendant 5 ans, avoir détenu, avec le cercle familial, les titres pendant 5 ans en continu, avoir détenu 10% du capital pendant 2 ans au cours des 10 dernières années et, enfin, au moment de la cession, il faut encore détenir 2% du capital. Bref, une mesure qui comporte tout ce que les entrepreneurs adorent: complexité, illisibilité et déconnexion de la réalité économique!

Ce dispositif est symptomatique d’un certain mal français, que le gouvernement Ayrault pousse malheureusement à son paroxysme, et qui pénalise depuis trop d’années notre compétitivité et met à mal l’esprit d’entreprendre, en particulier de nos jeunes diplômés. Il constitue une preuve parmi d’autres de l’absence de culture entrepreneuriale au sein de l’exécutif. Ce qui aboutit à un système où les créateurs ne sont plus les entrepreneurs mais les hauts fonctionnaires... D’ailleurs, le mouvement des « Pigeons » qui a émergé quasi-spontanément à l’automne est révélateur des difficultés et du sentiment d’injustice qui peut régner dans les milieux économiques.


Ce sentiment gagne-t-il du terrain? L’esprit d’entreprise est-il en danger ?


Les exemples de ce type sont malheureusement légion. Je reçois chaque jour les témoignages d’industriels, de dirigeants de PME, de sous-traitants… qui dénoncent la complexité de notre législation et le poids de la fiscalité qui pèse sur les entreprises. Pourtant, les compétences et le savoir-faire sont là. Rhône-Alpes, par exemple, est la première région plasturgiste de France avec ses 50.000 salariés dont près de la moitié travaillent dans la « Plastics Vallée » située au cœur du département de l’Ain, dont je suis élu. Ils œuvrent dans des secteurs de pointe, aussi bien dans le domaine de la santé et des dispositifs médicaux, que dans l’aéronautique, l’automobile ou encore le conditionnement de luxe. Un secteur parmi tant d’autres en France qui souffre des récentes mesures du gouvernement Ayrault… 
Un secteur parmi tant d’autres en France qui réclame à cor et à cri que l’esprit d’entreprendre domine, enfin, celui de l’administration...