Un nouveau chapitre par Olivier Dassault

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Alors que la France quitte les rivages du confinement, s’ouvre désormais un nouveau chapitre dans notre histoire commune. Nouveau chapitre oui, « monde d’après » non. Nous avons traversé une épreuve, nous en entamons une autre. Je ne crois pas aux grands soirs comme je ne crois pas aux grands matins.

Aux aurores du 11 mai la vie va reprendre doucement comme elle était, avant que l’on nous enjoigne de nous cloîtrer pour combattre l’épidémie qui déferlait sur nous. Le petit café du matin nous manquera, le plaisir de se retrouver autour d’une table également mais ces temps reviendront.

Nous allons relever la tête ensemble comme nous l’avons toujours fait et si notre mode de vie qui était fait de mouvements et de consommation pourrait, désormais, connaître plus de mesure et de goût pour l’essentiel ce sera une grande victoire.

Une autre victoire serait de mettre enfin un terme à la confrontation stérile entre secteur public et privé. Une chose que la crise nous a rappelé avec force est le rôle de l’Etat. Arnaud Teyssier le rappelait il y a peu « l’Etat n’est pas utile, il est vital ». Nos sociétés et nos économies sont en réalité très fragiles et nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d’un Etat faible.

Cette crise nous laisse néanmoins un goût amer. Comment est ce qu’un pays avec 57 % de dépenses publiques du PIB peut voir son système de santé près de la rupture en quelques semaines forçant ainsi le confinement ? Où vont ces 57 % ? A quoi servent-ils ? Pour Marcel Gauchet « ces dépenses sociales sont le prix à payer pour l’acceptation de la politique libérale » mais de quelle politique libé- rale parle-t-on ici ? Celle qui fait que la France a le poids de prélève- ments obligatoires le plus élevé de l’Union européenne avec 48,4 % ? Selon la logique de Gauchet, nous taxons plus la production de nos entreprises qu’ailleurs pour faire passer une « pilule libérale ». Cela n’a pas de sens.

Là où le philosophe a raison c’est lorsqu’il pointe la contradiction au cœur du problème français fait du mélange du libéralisme des élites et de l’étatisme du peuple. Telle est la raison de notre surplace depuis des décennies : lorsque la main gauche libéralise, la main droite compense socialement. Nous ne bénéficions ainsi ni du libéralisme ni de l’étatisme.

Une note du conseil d’analyse économique datant de 2017 confirme que la différence existante entre la dépense publique française et la moyenne européenne de 48,5% ne s’explique non par la part prise par l’emploi public dans l’emploi total mais par les dépenses sociales : protection sociale et santé représentent 5,5 points de PIB de plus en France qu’en moyenne dans la zone euro. En somme, nous dépensons énormément mais nous dépensons mal en créant de plus en plus d’obligés de cet Etat social tentaculaire au lieu d’investir dans les structures communes et dans les stocks straté- giques qui nous ont fait tellement défaut face au Covid-19.

Il est grand temps que l’Etat redéfinisse le périmètre de son action et mette fin à cette croissance anarchique du « social ». L’idée n’est pas de basculer vers un Etat régalien étroit mais bien vers un Etat qui travaille plus et mieux avec le secteur privé.

C’est le second grand enseignement de cette crise : Etat et entre- prises peuvent travailler ensemble rapidement quand les circons- tances l’exigent. Pourquoi alors ne pas transformer l’essai et faire de l’exception la norme ? Le secteur privé possède souvent l’in- ventivité, la réactivité nécessaire en temps de crise, comme l’ont démontré les makers. Le secteur public aide les bonnes idées à grandir et à se répandre à l’échelle du pays. Imaginez ce qu’ils pourraient faire une fois la crise passée, les perspectives appa- raissent infinies.

Pour que ce nouveau chapitre ne reste pas un vœu pieu, il faut repartir de la ligne de front actuelle ; l’hôpital et le secteur de la santé au sens large. Soignants, industriels et pouvoirs publics doivent trouver les moyens de travailler ensemble pour garantir que l’hôpital public mais aussi privé, redeviennent le « meilleur système de santé du monde ». Si, à l’issue de cette crise la France parvient à bâtir un système de santé paré pour le 21ème siècle et ses pandémies, nous aurons réussi, en partie, cette épreuve.

« Ils ont oublié que l’histoire est tragique » disait Aron. Ainsi fonctionne notre époque à l’arrogance adolescente caractéristique. Il est désor- mais temps de grandir et d’écrire, ensemble, ce nouveau chapitre.