Enjeux et perspectives pour le transport aérien par Eric Diard

Alors que l’industrie aérospatiale et du transport aérien connaît une croissancesans précédent au niveau européen et mondial, l’arrivée du nouveau PDG d’Air-France sur fond de tensions sociales pose la question des défis à relever pour le secteur à échelle française. Eric Diard, Député des Bouches-du-Rhône, s’est spécialisé dans l’aménagement du territoire et des transports.

L’arrivée de Benjamin Smith à la tête d’Air France KLM a été particulièrement commentée dans l’actualité. Que pouvez-vous nous en dire ?

L’arrivée de Benjamin Smith à la tête d’Air France-KLM la semaine passée nous permet de faire un rapide flash back sur les événements ces derniers mois dans le trafic aérien et plus particulièrement pour Air France. L’ancien Président Directeur Général Jean-Marc Janaillac a démissionné le 4 mai dernier suite au résultat défavorable de la consultation interne concernant un plan d’augmentation salariale pour la période 2018 – 2021. La campagne avait pourtant envisagé une augmentation de plus de 5% de son Chiffre d’Affaires en 2017. Les différents mouvements de gêne en 2018 consécutifs aux divergences sur les augmentations salariales ont fait replonger les comptes d’Air France dans une situation délicate. Pourtant, le transport aérien connaît depuis près de 30 ans une très forte croissance au niveau européen. Toutes les prévisions économiques s’accordent sur une croissance durable. Airbus table sur une croissance annuelle du trafic de passagers de 4,4% à échelle mondiale.

Espérez-vous quelque chose de particulier de ce contexte ?

Souhaitons que des négociations vont reprendre car la compagnie ne peut se permettre de nouvelles gênes à répétition cette année sans obérer ses résultats. De plus, les grèves perlées des contrôleurs aériens, qui se plaignent de l’augmentation du trafic et du manque de personnel n’ont pas amélioré cet été la situation.

Pourtant, une loi a été votée en 2012 pour limiter les effets des grèves, du moins pour les usagers...


L’exercice du droit de grève dans le transport aérien a été encadré par la loi n°2012-375 du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers, codifiée aux articles L.1114-3 et suivants du code des transports. Tel que cela ressort de l’exposé des motifs, l’objectif était « concilier de façon équilibrée, dans les entreprises de transport aérien de passa- gers, le principe constitutionnel du droit de grève d’une part, et d’autre part l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public, notamment la protection de la santé et de la sécurité des personnes (passagers en attente dans les aéroports) ainsi que le principe de continuité du ser- vice dans les aéroports lié à l’exploitation des aérodromes et l’exécution, sous l’auto- rité des titulaires du pouvoir de police, des missions de police administrative ». Cette loi, déclarée conforme par le Conseil constitu- tionnel, a ainsi imposé à tout salarié qui concourt directement à l'activité de transport aérien de déclarer son intention de participer à la grève avec un préavis d'au moins 48 heures (article L.1114-3 alinéa 2 du Code des Transports). Ce dispositif visait en effet à permettre l’organisation de l’activité durant la grève en vue d’informer les passagers sur le trafic assuré, comme en dispose l’article L.1114-3 alinéa 6 du code des transports : « Les informations issues des déclarations individuelles des salariés ne peuvent être utilisées que pour l'organisation de l'activité durant la grève en vue d'en informer les passagers. »

Qu’en est-il aujourd’hui ?

La Cour de cassation a rendu le 12 octobre 2017 un arrêt (contre les avis du rapporteur et de l’Avocat général) jugeant que les déclarations d’intention de grève (trans- mises 48 heures avant le début de la grève) ne peuvent pas être utilisées pour organi- ser l’activité (recomposition des équipages) tant que la grève n’a pas commencé. Elle a en effet jugé que la préposition « durant la grève » s’applique à « l’organisation de l’activité » et non seulement à « l’activité ». Cet arrêt gèle ainsi toute possibilité d’organisation de l’activité avant le début de la grève, ce qui est contraire à l’objectif et au titre même de la loi.

En guise de conclusion, y voyez- vous une solution ?


Si cette loi a permis le déblocage de nom- breuses situations, il est important que les négociations actuelles parviennent à un accord. Cela permettra, à plus long terme, au secteur de bénéficier de la reprise mondiale du transport aérien et, surtout, d’offrir aux usagers le service compétitif et de qua- lité pour lequel la France a acquis une réputa- tion internationale qui n’est plus à démontrer.