proposition de loi : Simplifier efficacement pour libérer les entreprises par Elisabeth Lamure

Depuis sa création en décembre 2014, la délégation sénatoriale aux entreprises que j’ai l’honneur de présider, a rencontré plus de 300 chefs d’entreprises dans leurs régions, et reçu autant d’entre eux lors de la « Journée des Entreprises » au Sénat, reconduite chaque année. Tous ont dénoncé le fardeau administratif, ressenti comme l’une des premières entraves au développement de leur entreprise. Ils ont le sentiment de courir avec un boulet au pied dans la compétition mondiale ; ce boulet réglementaire dénoncé de longue date ne va pas en s’allégeant, bien au contraire, il se compose de lois, de décrets, de règlements techniques qui s’accumulent, auxquels il faut ajouter la tendance française à transposer les directives européennes au-delà des obligations minimales.

Le coût de ce fardeau administratif est réel et peut se mesurer en euros (60 Mds selon l’OCDE en 2010) mais aussi en emplois. Sur ce critère du poids de la réglementation, la France est classée 115ème sur 138 pays par le Forum économique mondial. C’est donc un enjeu économique majeur, à la fois en termes de compétitivité et d’attractivité. De nombreux pays européens l’ont bien compris et s’en sont saisi. Nous nous sommes rendus dans certains d'entre eux, et à constater leur mise en œuvre on se demande si la France a pris la mesure de l’enjeu…

Le choc de simplification a-t-il existé ?

Annoncé en mars 2013 par le Président de la République, le « choc de simplification » a donné lieu à la mise en place du Conseil de simplification pour les entreprises.

Les membres de ce conseil, issus majoritairement du monde économique, se sont beaucoup investis, pour aboutir à des mesures certes utiles, mais de portée limitée.
L’ambition de la simplification n’était donc pas au rendez-vous, si bien que le ressenti des entreprises s’est plutôt exprimé en « choc de complexité ».

 

Nos recommandations

La Délégation aux entreprises, dont l’objectif de la création était de faire entendre la voix des entreprises au Sénat, s’est vue confier pour mission de « proposer des mesures visant à favoriser l’esprit d’entreprise et à simplifier les normes applicables à l’activité économique, en vue d’encourager la croissance et l’emploi dans les territoires ».

Nous avons donc fait des recommandations concrètes, en nous appliquant d’ailleurs à nous-mêmes, parlementaires, certaines d’entre elles directement liées à la fabrique de la loi. Ainsi nous proposons un changement de méthode pour penser la simplification comme un processus qualité au bénéfice de la compétitivité : faire du soutien à la compétitivité une priorité politique, se fixer des objectifs de réduction nette de la charge administrative supportée par les entreprises, simplifier le stock de règles qui leur sont applicables et dont l’efficacité doit être comparée avec les Etats voisins, rapprocher la culture politico-administrative des besoins des entreprises, et enfin, mieux légiférer pour freiner le flux de textes, notamment en associant les entreprises à l’élaboration de la loi et en faisant de l’étude d’impact préalable un outil de qualité de la norme, soumis à la contre-expertise publique d’un conseil indépendant du

Gouvernement.

 

 

Contraindre à la simplification par la loi

La conclusion de nos travaux nous a naturellement conduits à l’action concrète :
imposer par la loi la simplification, au bénéfice des entreprises.
Nous avons déposé en septembre 2017 plusieurs textes sur le Bureau du Sénat, portant sur la simplification des normes entravant la vie économique, sur le renforcement des études d’impact, sur des missions élargies pour le Conseil de la Simplification pour les entreprises.

Mais je veux insister sur notre Proposition de Loi Constitutionnelle.
Notre attention avait été attirée par la circulaire du Premier ministre en date du 26 juillet dernier, qui vise à la suppression ou la simplification de 2 normes pour toute nouvelle norme réglementaire (c’est le « One in Two out »). Or la règle de compensation vise seulement à « stabiliser la charge administrative », mais non pas la charge financière que chaque norme représente pour les entreprises ; et de plus, les textes réglementaires d’application des lois nationales et directives européennes ne sont pas inclus dans cette règle imposant la suppression de deux normes supprimées pour une norme nouvelle, ce qui signifie que 90 % de la production réglementaire y échappe, si l’on retient les chiffres fournis par le Secrétariat général du Gouvernement à la délégation sénatoriale aux entreprises.

Cette circulaire modifiant peu l’existant, les résultats de sa mise en œuvre risquent fort d’être à la hauteur de ceux des circulaires précédentes.

Il nous a donc paru indispensable de  graver dans le marbre  une disposition qui aura obligation de s’imposer. Ainsi nous proposons de compléter l’article 39 de la Constitution par :

« Les projets et propositions de loi ainsi que les amendements tendant à introduire des charges supplémentaires pour les entreprises ne sont recevables que s’ils prévoient simultanément la suppression de charges équivalentes ».

Il nous reste maintenant à obtenir l’inscription de nos textes à l’ordre du Jour du Sénat, ce qui sera un signal positif en direction des entreprises.