Les premiers pas d'un primo député en commission des affaires économiques par Paul Christophe

La 15ème législature est inédite. Sur les 577 députés qui forment l’Assemblée nationale, 424 sont entrés pour la première fois en juin 2017 au Palais Bourbon, parmi lesquels Paul Christophe, député du Nord.  

Ancien suppléant de Jean-Pierre Decool, Paul Christophe s’est toujours investi dans la politique locale. Ancien maire, président d’un syndicat intercommunal et conseiller départemental du Nord, il a joué un rôle majeur dans le développement de la politique environnementale, de l’eau et du développement rural lorsqu’il siégeait à la vice-présidence du département. La défense du Port de Dunkerque est un sujet majeur.

Ce quarantenaire dynamique, contrôleur de gestion, s’engage désormais à l’Assemblée nationale pour son territoire. Il découvre au fur et à mesure des semaines la réalité parlementaire, le travail en commission et l’impact économique des décisions prises depuis Paris. Retour d’expérience d’un primo député à l’Assemblée nationale…

Depuis le 29 juin 2017, vous êtes membre de la Commission des Affaires Economiques. Pourquoi avez-vous choisi de siéger dans cette commission ?

J’ai choisi la commission des affaires économiques en accord avec les problématiques de ma circonscription. Elle concentre tout à la fois une partie industrielle (sidérurgie, électro-intensif,...), le grand port maritime de Dunkerque, la plus grande centrale nucléaire d’Europe, à Gravelines, une activité touristique en pleine croissance (tourisme balnéaire, de mémoire, rurale), et un espace agricole important.

Vous avez été désigné rapporteur pour avis au nom de la commission sur la mission« commerce extérieur » pour le budget 2018, comment s’organise cette mission ?

Au-delà des éléments chiffrés travaillés avec les services de Bercy, il s’agit d’explorer un thème particulier. J’ai donc choisi d’étudier la situation des grands ports français puisque le secteur maritime est un secteur industriel qui propose une contribution positive aux échanges extérieurs de nations depuis 2013.  Je vais auditer 15 partenaires, acteurs économiques, gestionnaires de port, administration (douanes, affaires étrangères) dans le but, à la fois, de dresser un bilan, mais aussi de dégager des perspectives et, éventuellement, nourrir le travail législatif à venir. Le rapport définitif sera communiqué en novembre.

Les auditions que vous avez menées dans le cadre de la commission alimentent-elles vos réflexions ? Y a-t-il un lien avec ce que vous constatez sur le terrain ? Une audition vous a-t-elle marquée pour le moment ?

La commission des affaires économiques a proposé 28 auditions dans le but à la fois de mieux appréhender les enjeux et problématiques rencontrés, tout en permettant d’y confronter nos réflexions nourries par notre présence sur nos circonscriptions respectives et nos expériences et connaissances personnelles. Ces auditions nous ont ainsi permis de faire remonter les attentes des acteurs de terrain et de formuler quelques propositions. Parmi les différents orateurs proposés, je retiens plus particulièrement l’intervention de madame Christiane Lambert, présidente de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles, d’une grande richesse dans l’analyse de la situation et dans les propositions.

Le Gouvernement prévoit une transformation du CICE en allègement de charges pérennes pour 2019. Est-ce selon vous une bonne proposition ? Le Gouvernement doit-il faire plus ?

La critique principale portée sur le CICE concerne le manque de visibilité sur la création d’emploi et l’investissement qui était pourtant la contrepartie annoncée pour justifier ce dispositif. Sa transformation en allègement de charges me semble une bonne chose mais il faudrait aussi encadrer le nouveau dispositif pour s’assurer d’un minimum de retour en matière d’investissement dans les entreprises, un gage de compétitivité maintenue ou accrue.

La suppression progressive des emplois aidés est-elle, selon vous, une bonne décision ?

Sur le fond, le Gouvernement n’a pas tort lorsqu’il dit que les contrats aidés ne permettent pas de lutter efficacement contre le chômage. Ils sont en effet très coûteux pour des résultats faibles. Sur la forme, la décision est brutale. Elle a été annoncée à quelques jours de la rentrée des classes alors que l’on sait que les collectivités et les établissements scolaires sont les principaux pourvoyeurs de ce type de contrat. Cette décision nie complètement le véritable rôle social des contrats aidés qui permettent aux personnes bénéficiaires de sortir de la précarité. C’est, pour beaucoup, le moyen de rompre avec l’isolement dans lequel enferment trop souvent les minimas sociaux, évitant le repli sur soi, le refuge dans les espaces virtuels et les addictions. Pour l’instant je trouve l’approche de cette décision centrée sur la volonté de faire des économies budgétaires sans réel perception de l’enjeu social de ce dispositif. Le risque est de renvoyer les bénéficiaires les plus fragiles vers les minimas sociaux et de se retrouver à financer de l’assistanat plutôt que de l’aide à l’emploi.

La 14ème circonscription du Nord, où vous êtes élu, est l’héritière d’un riche passé industriel, mais le territoire connait aujourd’hui des difficultés.Quel rôle l’Etat doit-il jouer pour revitaliser ces industries abandonnées ?

Il faut se battre chaque jour pour sauver les usines, sauvegarder les emplois et le rôle de l’Etat est déterminant. En parallèle il faut accompagner les territoires dans la mutation industrielle. Le port de Dunkerque offre de formidables perspectives, il faut continuer à le développer, c’est le but du projet CAP 2020.

Est-ce également le rôle d’un député d’intervenir dans le développement des entreprises ?

Les missions classiques du parlementaire sont connues : vote de la loi, contrôle de l’action gouvernementale… Ce sont des prérogatives qui nous incombent et que nous devons exercer avec sérieux. Mais, être député, c’est parfois plus que cela. Un député peut également défendre les forces économiques du territoire. J’en ai fait très récemment l’expérience. Une usine dans ma circonscription était vouée à la fermeture avec près de 500 emplois à sauver. En ma qualité de député, je me suis investi auprès de l’intersyndicale avec le président de la région des Hautes de France, Xavier Bertrand, les élus locaux, les services de l’Etat et le Ministère de l’Economie et des Finances. Finalement, l’usine a retrouvé un repreneur et les emplois ont été sauvés. Quand on est député, on est également facilitateur d’échanges !