Développer la parité dans l'entreprise par Jean-Jacques Ferrara

Jean Jacques Ferrara est impliqué depuis de nombreuses années dans la ville d’Ajaccio, notamment en tant que Président de la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien puis en tant que Député de la 1ère circonscription de Corse du Sud depuis juillet 2017. Fervent défenseur de la cause féminine, il choisit dans cet article de s’exprimer sur la place des femmes dans l’entreprise.

 

Des rumeurs de baisse du budget alloué au Secrétariat d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes avaient entraîné de vifs débats en juillet dernier. Finalement, les crédits seront quasi-identiques à ceux de 2017, avec 29,8 millions d’euros alloués. Pourquoi pensez-vous qu’il s’agit d’un enjeu essentiel ?

Les femmes doivent être la grande cause nationale du quinquennat. Cette particularité budgétaire représente une bouffée d’oxygène pour la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa. En effet, le budget de cette année avait finalement été amputé de 25% par le gouvernement Philippe, avec l’annulation de 7,5 millions d’euros. Cette nouvelle configuration permet de dire à Marlène Schiappa que le budget 2018 sera la plus élevé jamais atteint pour ce portefeuille. Il est essentiel que ce budget soit utilisé à des fins utiles, notamment pour améliorer la place des femmes au sein de l’entreprise.

Pensez-vous qu’améliorer la place de la femme au sein de l’entreprise permet de réduire les inégalités ?

Oui, la place des femmes dans le monde du travail est un enjeu primordial puisque c’est par le travail que les femmes gagnent leur autonomie financière : elles ne sont plus subordonnées à l’homme. C’est l’un des piliers de l’égalité, selon moi.

De réelles avancées ont été enregistrées, des lois ont été votées, cependant les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes sont toujours bien réelles. Des inégalités salariales, mais également lors de l’assignation des rôles : les femmes se voient encore bien souvent assigner des métiers dit féminins, qui peuvent leur paraître dévalorisants. On devrait leur offrir les mêmes opportunités qu’aux hommes : à compétences égales, responsabilités égales, et surtout, rémunérations égales !  

Les lois de 1972, 1983, 2001, 2006, 2011, 2014… Ont-elles changé la donne et permis aux femmes de trouver leur place dans l’entreprise ?

Certes, des avancées sont notables. Par exemple, le nombre d’entreprises ayant négocié un accord ou un plan d’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes a augmenté. On peut lier cette progression au fait que la loi commence – et jusqu’à nouvel ordre – à jouer son rôle avec de plus nombreuses entreprises sanctionnées pour absence d’accords ou non-conformité… Ce qui est un réel progrès !

Ces avancées semblent donc avoir permis à des femmes d’améliorer leur situation dans l’entreprise ?

Il est vrai qu’objectivement, la situation semble s’améliorer pour certaines femmes cadres, en particulier les plus diplômées. Les grandes entreprises cherchent à recruter ces profils, au nom des bénéfices de la mixité et de la diversité.

Les réseaux de femmes cadres portent ce discours haut et fort. Ces réseaux jouent de leur prestige, de leurs compétences et de leurs relations pour que l’égalité devienne un enjeu de performance. Les dirigeants modernes se doivent aujourd’hui de soutenir publiquement un entre équilibre hommes et femmes dans leur entourage et au sein de leur société. Cependant, cela entraîne un réel risque, un risque d’élitisme pur qui se concentrerait et sélectionnerait uniquement des femmes surdiplômées, souvent prêtes à mettre leur vie privée entre parenthèses. Or, nous sommes aujourd’hui dans une phase de profonde remise en question des méthodes de travail en entreprise, avec notamment l’avènement du télétravail, de plus en plus répandu. Il est donc important que les employeurs fassent des efforts pour permettre aux collaboratrices de mieux concilier vie privée et vie professionnelle. Par exemple, en cessant de programmer des réunions à 18 heures, de pénaliser les femmes qui ont dû se mettre en retrait pour s'occuper de leurs enfants, ou en leur facilitant l’accès à des structures de garde.

Il semble que pour l’instant, les grands groupes soient quasiment les seuls à avoir instauré de nouvelles pratiques ?

Oui, et le challenge est aujourd’hui d’étendre ces pratiques aux ETI, PME et même aux start-ups… ! Les inégalités qui subsistent prouvent bien que la loi ne peut pas tout résoudre ! Il est important que les mentalités changent : la promotion des femmes n’est pas qu’une affaire d’équité, elle est aussi une chance pour l’entreprise !