La maison de l’emploi, facteur de compétitivité économique et de cohésion sociale par Isabelle Le Callennec

Isabelle Le Callennec a débuté sa carrière politique en étant une élue locale de Vitré, en Ille-et-Vilaine. Elle a naturellement succédé à l'ancien ministre de la Justice Pierre Méhaignerie en 2012 au siège de député. Très impliquée dans l’attractivité de son territoire, la grande priorité de son mandat de parlementaire est dédiée à l’emploi.

Depuis juin 2015, Isabelle Le Callennec est également vice-présidente du parti Les Républicains.

La France compte 6 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, quels sont, selon vous, les leviers d’actions pour relancer la machine économique et l’emploi ?

Ce sont les entreprises qui créent les emplois. Elles exhortent les pouvoirs publics à créer un climat favorable à leur compétitivité dans un contexte de mutation profonde.  Baisse des charges qui pèsent sur le travail et le capital, refonte du code du travail, moratoire sur les normes, recul de la complexité administrative…  sont les conditions sine qua non de leur développement. A cela s’ajoute la nécessité de conforter le capital humain de l’entreprise et de trouver des salariés motivés et formés aux besoins de l’entreprise, au plus près des territoires. Tant que le gouvernement n’aura pas compris et admis ces incontournables du retour de la confiance, la France peinera à retrouver le chemin de la croissance et restera l’un des tout derniers pays à ne pas voir son chômage de masse reculer.


Le Gouvernement a annoncé un Projet de loi travail, pensez-vous qu’il répond aux enjeux de la crise de l’emploi ? Va-t-il assez loin ?

La 1ère version de l’avant-projet de loi allait dans le bon sens puisqu’il annonçait une refonte du code du travail et s’attaquait enfin à une difficulté majeure très souvent signalée par les chefs d’entreprises, singulièrement les PME : la peur d’embaucher. Le gouvernement semblait avoir compris qu’une entreprise n’est pas douée d’immortalité, qu’elle se crée, se développe, parfois meurt…  c’est la « destruction créatrice » décrite par Joseph Schumpeter. Le texte avait pour objectif d’instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. Il reconnaissait implicitement les rigidités du marché du travail qui protège les  « insiders », au détriment des « outsiders », tout particulièrement les jeunes et de plus en plus les séniors et plus généralement les moins qualifiés des Français.


Ce projet de loi ne satisfait personne. Ni les syndicats salariés. Ni les syndicats patronaux. Pensez-vous que c’est un échec de la méthode ?

La 1ere version a en effet évolué à la suite des manifestations et autres oppositions d’une majorité parlementaire plus divisée que jamais. Le texte présenté au Conseil des Ministres le 24 mars ne satisfait plus personne, et surtout les représentants des entreprises qui fustigent les « reculs » : sur le plafonnement des indemnités prudhommales, la définition du licenciement économique, les accords « offensifs », la possibilité de négocier le temps de travail au plus près de l’entreprise,... Compte tenu de la volonté de certaines organisations syndicales de voir le report de l’examen du texte voire, son retrait, compte tenu de l’incertitude qui pèse sur le comportement des députés de la majorité, il y a fort à parier, hélas, que le texte, au final, n’aura pas atteint l’objectif contenu dans le titre, et pire, n’aura pas offert la puissance nécessaire à l’inversion de la courbe du chômage.  

 
Dans le cadre du débat parlementaire, qu’allez-vous proposer pourjustement permettre aux entreprises de créer plus facilement de l’emploi ?

Nous allons tenter de faire de la pédagogie sur les réalités vécues par les entreprises qui n’ont pas toutes la même taille, n’évoluent pas toutes sur les mêmes marchés, ne rencontrent pas toutes les mêmes difficultés. Nous allons tenir bon sur la nécessité de « dérigidifier » le marché du travail, améliorer le dialogue social, former tout au long de la vie. S’agissant du code du travail, nous allons insister pour que soient redéfinies les normes sociales fondamentales et que tout le reste soit renvoyé à la négociation collective, au niveau de l’entreprise ou des branches, selon unprincipe de subsidiarité ; pour exemple, le temps de travail doit pouvoir être négocié librement dans l’entreprise, dans la limite des 48 heures imposées par le droit européen.

 

Que préconisez-vous pour « fluidifier » davantage le marché du travail ?

Le chômage est la première des inégalités. Toutes les familles sont touchées. La bataille pour l’emploi doit être livrée pour être gagnée ; la précarité gagne puisque plus de 80% des contrats signés le sont en contrat à durée déterminée, dont 50% de moins de 10 jours. Nous ne pouvons dès lors pas faire l’économie d’une réforme de l’assurance chômage, avec un double objectif : sécuriser les revenus des demandeurs d’emploi mais en même temps, inciter à un retour rapide vers l’emploi, en travaillant sur la mobilité professionnelle mais aussi géographique des demandeurs d’emploi. Si les partenaires sociaux, actuellement en négociation sur la nouvelle convention (en pleine période de désaccord total sur la loi travail !), ne parviennent pas à s’entendre, il ne faut pas exclure la possibilité de voir l’Etat reprendre la main. Le paritarisme tel qu’il est pratiqué aujourd’hui apparait à bien des égards à bout de souffle et ne doit pas être un frein supplémentaire à toute évolution.

On l’a vu précédemment, tout ne passe pas par le code du travail. Dans votre circonscription, à Vitré, le taux de chômage est à peine supérieur à 5 %, quelle est la recette ?

Un climat « business friendly » insufflé par mon prédécesseur Pierre Méhaignerie depuis plus de 40 ans : la présence d’infrastructures de transports, une fiscalité modérée, la prise de risque des collectivités avec la politique des « bâtiments relais », l’ « éthique de travail » des salariés,… le choix de l’industrie et donc de l’économie productive. 42% des salariés travaillent dans l’industrie. C’est le 1er pays industriel de Bretagne, ce qui fait sa force, mais aussi sa faiblesse, puisque nombre d’entreprises sont soumises à la concurrence mondiale, d’où le souci constant de la compétitivité et le soutien à l’innovation.

Concrètement, comment s’articule le lien entre le service public de l’emploi et le monde économique ?  Et comment faites-vous pour réunir autour de la table ces deux « milieux » que l’on présente parfois comme opposé dans les logiques ?

Nous pouvons compter sur un formidable outil qu’est la Maison de l’emploi, de l’entreprise et de la formation professionnelle. Créée il y a 10 ans, elle regroupe sous un même toit tous les acteurs de l’emploi : pôle emploi, la mission locale pour les jeunes, le service insertion de la communauté d’agglomération, un centre de ressources documentaires, mais aussi les chambres consulaires (chambres d’agriculture, des métiers, de l’industrie et du commerce) ou encore le Centre d’information et d’orientation de l’Education nationale. La Maison de l’emploi est présidée par un chef d’entreprise et son directeur est également directeur de Pôle emploi.  Nous bénéficions des qualités humaines et professionnelles d’une équipe resserrée, dont les membres partagent les mêmes valeurs et appliquent avec succès la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’échelle d’un territoire. Je préside pour ma part le Comité consultatif qui réunit les partenaires sociaux, des représentants des structures de l’insertion par l’activité économique, des centres de formation,… Je leur soumets les textes de loi avant leur examen au Parlement et leur demande leur avis sur leur mise en œuvre concrète, une fois votée.


Pensez-vous ce modèle généralisable à l’échelle de la France ?

Oui, dès lors qu’il y a la volonté de tous de concilier compétitivité économique et cohésion sociale.