La compétitivité de l’économie française passe aussi par l’attractivité de la place financière de Paris par Meyer Habib

Meyer HABIB est député de la 8ème circonscription des Français de l’étranger (Israël, Italie, Vatican, Saint-Marin, Grèce, Malte, Chypre, Turquie) et Vice-président du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France). Il était directeur général adjoint de la marque Citizen, et dirige le Groupe Vendôme, actif dans le domaine du luxe.

Face à la crise, le changement de pied du président de la République est-il une bonne nouvelle ?

La France traverse une crise d’une magnitude effrayante. Et malheureusement, le Gouvernement a mis trop longtemps pour en prendre la mesure. Durant 18 mois, il a pris quelques bonnes mais timides mesures, comme le CICE. Mais, laissant l’idéologie l’emporter sur le bon sens et sur le pragmatisme, le Gouvernement n’a pas su réduire les déficits ni baisser les dépenses de l’Etat. Il n’a pas voulu mettre en place une fiscalité efficace. L’augmentation des impôts a touché de plein fouet les classes moyennes ainsi que les entreprises, grandes et petites. Ainsi, les entreprises ont vu les impôts augmenter de près de 20 milliards d’euros pour 2013. L’impôt étouffe l’économie française.

Les dernières déclarations du président de la République tranchent cependant avec les positions habituelles d’une gauche qui peine à rentrer dans le 21ème siècle. Au pacte de responsabilité, on est tenté de répondre : Chiche !

La France a besoin de réformes ambitieuses, et il faut espérer que le pouvoir en place ait le courage d’apporter des vraies solutions. Si le Gouvernement prend des mesures à la hauteur des enjeux, il faudra l’accompagner. La France ne peut pas se permettre d’attendre. 

Concrètement, que doit-on faire pour relancer la compétitivité de l’économie française ?

D’abord, il faut reconnaître un changement structurel dans le débat politique français. Le mot compétitivité était jusqu’ici considéré comme un « gros mot » dans la bouche des socialistes. Aujourd’hui, tout le monde ne jure plus que par ce concept. Il faut saluer cette évolution. Certes, elle ne se traduit pas encore suffisamment dans les politiques mises en œuvre, mais il ne faut pas sous-estimer cette transformation sémantique.

Le rapport Gallois, commandé par le Gouvernement, est une excellente feuille de route. Dommage qu’il ait été si vite mis au placard !

Dans un rapport au ministre de l’Economie, l’association représentant la place financière de Paris, Paris Europlace, propose aussi des pistes intéressantes permettant de dynamiser notre économie en favorisant l’accès des PME et des grandes entreprises à un financement durable.

La finance est souvent décriée par les politiques. Or vous n’avez pas peur de dire qu’elle doit être au cœur de la compétitivité de notre économie. Pourquoi ?

Il faut aller au-delà des concepts simplificateurs qui opposent les gentils entrepreneurs et les méchants financiers. Parler de la finance comme d’un « ennemi sans visage » qui avance à « visage couvert », c’est n’avoir rien compris aux enjeux d’un écosystème économique efficace.

Sans oublier les excès aux conséquences dramatiques de la fin des années 2000, considérer la finance comme un ennemi est une faute. C’est voir le monde à travers un prisme idéologique. Or le vrai combat pour la France, ce n’est pas de disserter sur des concepts éloignés de la réalité, mais c’est de mettre les mains dans le cambouis pour créer un écosystème économique permettant aux entrepreneurs, aux PME, aux grandes entreprises, de financer leurs projets, de se développer, et de créer de l’emploi.

Quand GDF Suez veut construire un barrage au Brésil, il a besoin de mobiliser des capitaux. Il faut donc que nos banques françaises soient en mesure de l’accompagner. Quand le jeune Laurent Decaux lance sa chaine de magasins de vins Nysa à la sortie de Sciences Po, quand les jeunes Augustin Paluel-Marmont et Michel de Roviralancent leur marque Michel & Augustin à la sortie de l’ESCP, ils ont besoin de financement pour lancer ces aventures ! Dix ans plus tard, ils ont des besoins de produits financiers différents pour accompagner une nouvelle étape de leur croissance. Demain, peut-être, ils auront besoin de financement pour faire une acquisition…Peut-être qu’ils auront besoin de trouver des acheteurs, capables de mobiliser des capitaux pour leur racheter leur entreprise. La finance occupe donc un rôle clé auprès des entreprises à chaque étape.Pour qu’elles puissent se développer et créer de l’emploi, il est essentiel que ces entreprises de toutes tailles évoluent dans un écosystème compétitif avec un secteur financier dynamique.

Comment financer nos entreprises de façon compétitive par l’intermédiation et par les marchés? Comment mobiliser des capitaux pour accompagner l’économie du futur (les hautes technologies et les services) ? Comment drainer l’épargne longue vers le financement des entrepreneurs plutôt que vers l’immobilier ? Et comment réguler la finance de façon intelligente, souple et efficace, de façon à éviter les excès de la fin des années 2000 sans pour autant étouffer la croissance ? La France doit trouver des réponses concrètes et efficaces à ces questions.

Quelles mesures concrètes proposez-vous pour améliorer la compétitivité de la Place financière de Paris?

Il faut renforcer la compétitivité et la stabilité du cadre réglementaire et fiscal. Cela passe notamment par une fiscalité plus attractive. En faisant passer le taux d’imposition du résultat comptable avant impôt de 38% en 2010 à 63% en 2012, nous plombons nos banques françaises… Il faut aussi renoncer au projet de taxe européenne sur les transactions financières tel qu’il est proposé.Les premiers touchés de cette fausse bonne idée seront évidemment les entreprises, dont l’accès aux produits de financement de leurs projets industriels sera restreint. Le ministre de l’économie Pierre Moscovici semble avoir compris cela.

Il faut aussi développer l’épargne financière longue en faisant la promotion d’une fiscalité incitative. Je préfère que l’épargne des français soit utilisée pour financer les projets des Laurent Decaux, Michel & Augustin et autres entrepreneurs courageux, plutôt qu’elle ne dorme sur des comptes moins utiles pour l’économie française.