Des chocs et des pactes… et après ? par Lionel Tardy

Après le « choc de simplification », voici le « pacte de responsabilité ». Au-delà de ces éléments de langage, Lionel Tardy, député de la Haute-Savoie et chef d’entreprise, revient sur les annonces de François Hollande. 

Que retenez-vous de l’annonce du « pacte de responsabilité » par le Président de la République ?

Sur la forme, voilà encore un beau terme inventé par les communicants de l’Elysée. Depuis le début du quinquennat, on ne compte plus les « choc » et les « pactes » annoncés à grand renfort de conférences de presse. Il y a à peine un an, c’était le « choc de simplification ». Mais lorsqu’on fait le bilan de ce genre d’effets de manches quelques mois plus tard, on se rend compte qu’il ne reste plus grand-chose à part des formules creuses. Sur le fond, j’attends de voir comment tout cela sera mis en pratique. Car pour une fois, François Hollande a l’air de vouloir aller dans le sens des entrepreneurs… mieux vaut tard que jamais !


Justement, quel bilan tirez-vous du « choc de simplification » ?

Tout le monde sait qu’une simplification est nécessaire à tous les étages. J’étais d’ailleurs plutôt enthousiaste quand il a fait cette annonce. Depuis, je me demande où sont passées ces bonnes intentions. Pas un seul projet de loi que nous examinons à l’Assemblée nationale depuis plus d’un an ne mérite d’être qualifié de texte de simplification. Que ce soit pour ceux relatifs à la consommation ou au logement, récemment, des piles de documents administratifs viennent s’ajouter aux obligations déjà existantes. Les vieux réflexes sont toujours présents. La preuve la plus extraordinaire a été donnée par le Président lui-même lors de sa conférence de presse : au bout de cinq minutes de discours, il nous annonçait déjà la création d’un « observatoire » [observatoire des contreparties] et d’un « conseil stratégique » [conseil stratégique de la dépense publique] ! La création de comités Théodule va totalement à l’encontre du « choc de simplification », et pourtant le gouvernement se complait dans ces commissions et autres instances de réflexion qui ont plutôt tendance à pousser à l’inaction.  


Qu’attendez-vous de la mise en application de ces mesures ?

Le « pacte de responsabilité », on l’aura compris, c’est tout simplement la suppression des cotisations familiales pour les entreprises à l’horizon 2017. Si l’on veut toucher à la fiscalité directe des entreprises, il ne faut surtout pas reproduire l’erreur du crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE), que beaucoup de chefs d’entreprises, notamment dans les PME, rechignent à utiliser car il s’agit d’une véritable usine à gaz. Au contraire, il faut que cette baisse des charges profite à tout le monde, sans distinction, et surtout qu’elle soit accessible. Il faut que le mécanisme soit simple à utiliser et à mettre en pratique, sans quoi évidemment les chefs d’entreprises ne l’utiliseront pas. Certains à gauche crient au scandale et demandent des contreparties… Autrement dit, le grand risque est que l’on se retrouve avec des conditions, des tonnes de documents à remplir, des démarches interminables qui finiront, un peu comme d’habitude par décourager et à faire perdre au mécanisme tout le côté incitatif et bénéfique qu’il avait en théorie. C’est pourtant très clair : il faut cette fois le moins de contreparties possibles, voire aucune, car si c’est pour rigidifier le système, autant ne rien faire du tout. Veut-on aider le tissu entrepreneurial ou faire plaisir aux socialistes anti-entreprises ? C’est la vraie question qu’il faut se poser.

 

Croyez-vous au financement de ce pacte ?

J’aimerais y croire, mais il faudrait que le gouvernement recherche en contrepartie 30 milliards d’euros à économiser d’ici 2017. De ce côté-là, on manque cruellement d’information ; c’est pourtant une question cruciale. Ces 30 milliards, il va falloir les trouver et tailler dans la dépense publique. A part une baisse des dépenses, on voit en effet mal quelle autre possibilité de financement il pourrait rester pour ce dispositif. Or, réduire les dépenses, c’est justement ce que le gouvernement s’est toujours refusé à faire… je n’ose même pas imaginer les cris d’orfraie que vont lancer certains membres de la majorité quand il va falloir toucher aux services publics. 


Etes-vous prêt à soutenir ces mesures ?

Encore une fois, si le gouvernement a enfin compris que ce sont les entreprises qui créent de l’emploi, et qu’elles croulent littéralement sous les charges fiscales et administratives, nous n’allons pas nous en plaindre. J’ai simplement envie de dire à François Hollande : chiche ! Au vu de ce qui s’est passé sur le choc de simplification, de ce qu’il en reste, j’aurais tendance à être sceptique. Mais le débat parlementaire viendra et à ce moment-là, on pourra réellement voir s’il a su transformer l’essai. Je partage le principe de ces mesures – qui ne le partage pas ? – mais tout va résider dans leur application. C’est pourquoi, si j’approuve l’esprit de ces annonces, je pense qu’il faut rester prudent et surtout vigilant dans la forme qu’elles prendront. A gauche, certains syndicats et élus vont faire pression pour amenuiser le dispositif ou l’assommer à coups de « contreparties ». Ceux qui voient en lui un « cadeau au Medef » sont tout simplement désolants. La réalité, c’est qu’à chaque début d’année les entrepreneurs voient des taxes s’abattre sur ceux, et que beaucoup ne sont pas sûrs que leur trésorerie pourra supporter ces augmentations.

 


Pensez-vous qu’il s’agit d’un tournant dans la politique gouvernementale ?

J’aimerais beaucoup, mais il en a fallu du temps pour réaliser que la croissance etl’emploi n’allaient pas revenir comme par enchantement si l’on continuait d’accabler les entreprises. Peut-être que si quelques membres du gouvernement étaient issus du monde de l’entreprise, le déclic aurait été plus rapide, mais c’est un autre débat. Rappelons-nous simplement du nombre de mesures invraisemblables que nous avons vu défilé avant d’en arriver là, et dont on se demande encore comment elles ont pu être pensées. Lors du projet de loi de finances pour 2012, c’était le dispositif de donation-cession, une véritable atteinte au tissu entrepreneurial français. En décembre dernier, nous avons échappé de peu à une taxe sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), autrement dit la capacité d’investissement des entreprises ! Il y en eu a bien d’autres, et je serais ravi que la spirale s’arrête ici. Pour cela, rien ne vaudra une vigilance totale sur l’application concrète de ce « pacte ». Une fois la valse des belles formules terminées, nous verrons alors ce qu’il reste pour les entreprises françaises.