Outremer : nos territoires offrent des perspectives de développement considérables par Daniel Gibbs

Souvent méconnus voire malaimés des Hexagonaux : pour Daniel Gibbs, député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, les territoires outremers « méritent d’échapper aux clichés » et offrent des « perspectives de développement économique considérables ». Le parlementaire, qui est également secrétaire général du « Comité des Outremers » au sein de l’UMP, se dit partisan d’une « approche différenciée, ciblée, non seulement territoire par territoire, mais aussi secteur économique par secteur économique » pour sortir les outremers de la crise et les remettre sur le chemin de la croissance… Interview… 

On entend souvent que les territoires ultramarins représentent un fort coût pour la France : à votre avis, est-ce justifié et pensez-vous que la singularité des territoires outremer français est suffisamment comprise des Hexagonaux ?

J’ai le sentiment que nos territoires outremer sont au mieux méconnus, au pire mal aimés ; dans les deux cas de figure, nos territoires ultramarins souffrent effectivement de clichés, entre image de carte postale et « siphon » des aides publiques. Mais sur ce dernier point, quand la République consacre 1% du PIB national à 5% de sa population, comment peut-on encore raisonnablement parler d’assistanat ? Permettez-moi d’en douter !

La crise économique et sociale survenue il y a quelques années aux Antilles et qui a ensuite gagné la majorité des territoires ultramarins a sans doute éveillé un peu plus les consciences sur ce que sont nos réalités ; il y a certes eu un nécessaire sursaut politique face à l’urgence...

Mais sans vouloir être alarmiste ou jouer les oiseaux de mauvais augure, rien n’est réglé : la crise économique de 2008 a puissamment freiné la croissance de nos territoires outremers, qui souffrent en outre toujours fortement de handicaps structurels bien connus, tels que leur éloignement, la taille de leurs marchés, l’insularité ou encore la difficulté à être compétitifs  dans un contexte régional où leurs voisins ne sont assujettis ni aux mêmes coûts, ni aux mêmes normes… Je pense bien sûr au cas symptomatique de Saint-Martin, petite île que se partagent, sans frontière matérialisée, deux entités aux statuts totalement différents : 600 dollars de salaire minimum, des normes élastiques et une législation plus que souple en vigueur sur la partie hollandaise de l’île, quand la partie française, elle, doit appliquer les législations françaises et européennes à la lettre. Comment être compétitifs dans ce cas de figure, surtout lorsque les dispositifs d’aide nationaux – je pense au CICE par exemple – ne sont pas applicables dans cette Collectivité d’outremer régie par l’article 74 de la Constitution et dotée de la compétence fiscale ? C’est tout bonnement impossible à l’heure actuelle…

A tous ces facteurs, s’ajoutent une montée effrayante du chômage, particulièrement chez les jeunes et les femmes, une forte augmentation de la précarité... Et tout cela met à mal la cohésion sociale dans nos territoires : si des efforts ont bel et bien été produits, si une prise en considération de nos malaises et de nos urgences outremer a bien eu lieu,  si les budgets annuels pour les outremers sont préservés bon gré mal gré… force est de constater que l’on ne fait que mettre un couvercle sur une cocotte-minute qui menace d’exploser… Je reste en effet persuadé que si les problématiques économiques et sociales de nos outremers ne sont pas prises à bras le corps, les crises de 2009 et de 2012 n’auront été que les prémices d’un embrasement plus radical…

 

Vous dressez un tableau sombre de la situation des outremers : comment sortir de cet état de fait aujourd’hui ?

Cette analyse est sombre certes, mais je crois que nous sommes nombreux aujourd’hui à la partager. Si chaque territoire a ses spécificités et ses besoins propres, le contexte économique et social douloureux qui est globalement celui des outremers depuis quelques années requiert tout d’abord que l’on mette sur pied une politique de rattrapage de l’Hexagone digne de ce nom, avec de véritables appuis économiques et sociaux. Il ne doit pas y avoir « deux » France et la fracture qui subsiste entre la métropole et les territoires ultramarins doit être solutionnée. Cela relève de la cohérence et de la justice républicaines, l’égalité doit être réelle…

En outre, il faut cesser de « plaquer » les schémas hors d’âge ou les modèles hexagonaux sur les outremers : avancer sur le devant de la scène les spécificités de nos outremers peut agacer certains esprits chagrins, mais non seulement celles-ci existent, mais elles font, de plus, une partie non négligeable de la richesse de la France... Il faut donc, à mon sens, redéfinir complètement les modèles de développement des Départements et Collectivités d’Outre-Mer, avec un plan de programmation différencié selon ces territoires qui n’ont pour point commun finalement, que leur éloignement de l’Hexagone…

Il faut préparer dès aujourd’hui la loi qui succédera à la LODEOM ?

Bien entendu, et dans la plus large concertation possible ! En 2017, en effet, la loi qui succédera à la LODEOM va régir l’ensemble des dispositifs d’aides au financement, à l’investissement et au fonctionnement des économies des outremers pour les neuf années qui suivront : que veut-on pour nos territoires ? Quelles sont les perspectives de développement ultramarin ? Quels sont les besoins de ces Départements et Collectivités d’Outre-Mer? Ces questions doivent être posées sans attendre !

Je ne suis pas partisan, je le répète, d’une loi généraliste pour nos territoires, la politique de globalisation n’a d’ailleurs pas fait ses preuves... Il faut au contraire, je le crois, une approche différenciée, ciblée, non seulement territoire par territoire, mais aussi secteur économique par secteur économique. Et cela ne peut se décider de Paris : les professionnels et les élus ultramarins doivent être pleinement actifs et associés dans la préparation de cette future loi…

 

Voilà une approche inédite pour ces territoires…

 

Je ne suis pas le seul, heureusement, à tenir ce discours ! Le constat est simple : la stratégie économique à l’égard de nos territoires ultramarins ne peut plus être fondée sur la seule compensation des handicaps et des difficultés liés à l’éloignement ou à l’insularité... Les outremers offrent des perspectives de développement considérables : il est grand temps d’inverser la donne et de se donner les moyens de faire de nos « handicaps » des atouts. Cela passe notamment, par une politique d’intégration régionale digne de ce nom ; mais cela passe aussi par une vraie volonté de faire émerger des secteurs économiques à forte valeur ajoutée… La France a de nombreux atouts, les outremers font d’elles la deuxième puissance maritime mondiale par exemple : misons sur un développement de notre domaine maritime !

Quels sont les autres secteurs qui mériteraient selon vous d’être développés ?

Il y en a tant ! Les richesses avérées ou potentielles des sous-sols de Guyane ou de Nouvelle-Calédonie méritent d’être étudiées ; il faut également miser sur de grands secteurs industriels comme l’aéronautique ou encore « plancher » sur les énergies renouvelables, la question du développement durable…

Quant aux territoires moins bien lotis en termes de ressources naturelles, ils offrent eux aussi des perspectives non négligeables de développement… Je pense là encore, au secteur touristique, qui est mon domaine de prédilection : comment expliquer que le tourisme ne pèse même pas pour 10% dans le PIB d’îles comme la Guadeloupe ou la Martinique ? Encore une fois, il faut arrêter de camper sur des modèles obsolètes : les outremers ont des atouts qu’il est impératif de valoriser et elles méritent la mise sur pied de politiques innovantes et sur le long terme.

Regrettez-vous que la place des outremers dans le débat politique français soit aussi réduite?
Je ne le déplore pas, je le prends pour un challenge : c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai accepté la proposition du Président Sarkozy de devenir secrétaire général du « Comité des Outremers » au sein de l’UMP. Je crois profondément que ma formation politique est en train de prendre pleinement conscience des enjeux et du potentiel de nos DCOM. J’espère que d’autres lui emboiteront le pas car les outremers sont la France et elles méritent d’être au cœur de tous les débats.