Rapport Gallois : Bilan de l’action du Gouvernement un an après ! par Véronique Louwagie

Véronique Louwagie, député de l’Orne, secrétaire du groupe d’études PME de l’Assemblée nationale, porte un regard réaliste sur la situation économique de la France : sans recherche, sans innovation, sans projet porteur d’espoir, la France sera marginalisé sur le plan international. Le rapport Gallois apporte des réponses, le Gouvernement tarde à les réaliser.

 

Quel regard portez-vous sur la mise en œuvre par le Gouvernement du rapport Gallois ?

Fort de vingt-deux propositions-phare, le rapport de Louis GALLOIS sur la compétitivité remis au Premier ministre, le 5 novembre 2012, permet aujourd’hui de faire un bilan d’étape sur les choix stratégiques de la majorité. Ce rapport présenté alors comme le vade-mecum du Gouvernement pour la conduite de son action économique et industrielle semble en pratique plus proche d’un Saint Graal aux effets invisibles et secrets.

Lorsque Louis GALLOIS, Commissaire Général à l’investissement remet au Premier ministre son rapport, tant attendu, intitulé : « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », nous avons tous encouragé le Président de la République à s’en saisir et à en faire une feuille de route pour son quinquennat. Nous sommes tous à même de comprendre, avec bon sens, la nécessité de choix audacieux, méritants et déterminés. Les propositions de ce rapport ouvrent la voie à une nécessaire transition, parce qu’il est urgent de faire entrer la France dans le 21ième Siècle ! Pour cela, des adaptations doivent être mises en œuvre afin que notre pays ait toute sa place dans un monde en mouvement.

Cette feuille de route est réalisable avec du courage politique et une majorité qui ne transige pas avec la situation de notre pays. Croyez-vous qu’une ligne directrice se dessine dans ce quinquennat ?

Malheureusement, sans vouloir égrener avec cruauté les propositions non tenues du rapport Gallois, force est de constater que le cap économique et industriel indispensable à notre pays n’est pas tenu. La montée en puissance de la fiscalité écologique est ardemment désirée par tous à la seule condition qu’elle n’alourdisse pas davantage la pression fiscale totale. Or, il n’en est rien. La mise en place de la nouvelle formule de l’écotaxe illustre tristement ce procédé. Mais surtout, ce recours à l’impôt est manifeste dans les liens entre fiscalité écologique et financement du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Le CICE vise à alléger de 20 milliards par an les coûts des entreprises par une recette de 10 milliards issue de la restructuration des taux de TVA et par la mise en place de la fiscalité écologique, et cela sans prélèvement supplémentaire. Soit, mais sans boussole, nous sommes au milieu du gué. Sans équilibre, rien n’est à ce jour assuré. On ne réformera pas notre pays sans geler la fiscalité sur l’investissement, la recherche et l’innovation. Les preneurs de risque sont les défricheurs de notre avenir. Le Gouvernement l’a tardivement compris avec la mobilisation des « pigeons », il ne doit pas l’oublier pour toutes les autres formes d’investissement.

La Bpi répond à cette volonté ambitieuse de soutien à l’activité économique. Cette nouvelle structure vous semble-t-elle pertinente ?

La création de France Investissement (Banque publique d’investissement) répond au vœu n°9 du rapport Gallois : « un grand partenaire public à l’investissement et à l’innovation ». Seulement, son fonctionnement doit offrir davantage de lisibilité, de fluidité et d’efficience. Ce grand levier d’Archimède au développement de nos talents et de nos savoir-faire ne doit pas s’enferrer dans des conflits de dyarchie et des coûts de structure dignes de temps que l’on pensait révolus et totalement inacceptables dans la période actuelle. Nous espérons vivement que le choix de l’immeuble sis boulevard Haussmann pour l’antenne parisienne de la Bpi ne soit qu’un péché de jeunesse et non la marque d’un goût immodéré pour les ors de la République et ses apparats.

L’avenir se construit au présent, quelles sont pour vous les pistes de développement ?

En matière d'énergie, François Hollande ne cesse de réaffirmer qu'il n'y aura pas d'exploitation de gaz de schiste sous son mandat. La fermeté en politique ne devient courage que lorsqu’elle a du sens.  Au même moment, le Royaume-Uni a pris exactement le contre-pied de la position française. En juillet 2013, le Ministre des finances anglais George Osborne a souhaité la mise en place d'un nouveau régime fiscal qui soit " le plus généreux pour le gaz de schiste dans le monde ". Le schéma proposé implique de baisser de 62% à 30% le taux d'imposition sur une partie de la production des gaz non conventionnels. Cette proposition de traiter les hydrocarbures conventionnels et non conventionnels de la même manière fera l'objet d'une consultation avant d'être éventuellement intégrée à la loi de finances 2014. Interrompus en Grande-Bretagne en 2011, les forages exploratoires  avec le procédé de la fracturation hydraulique ont repris au début de cette année. Le rapport de Louis Gallois préconisait dans sa 5ème proposition de mener les recherches sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste. Cependant, le gouvernement persiste et signe en refusant la recherche sur des moyens d'exploration autres que la technique de la fracturation hydraulique si décriée. La France ne risque plus de prendre du retard c’est déjà fait, tant en matière de recherche, qu’au niveau de la compétitivité, au regard du coût de l'énergie. Le risque plus grand qui nous guette désormais, c’est une marginalisation de la France et une sortie définitive du groupe des nations innovantes et tournées vers l’avenir.

Depuis plus de 150 ans, la France n’a cessé de parier sur la recherche et l’innovation pour assurer son développement. De l’exploration du charbon jusqu’à la maîtrise de l’atome, la France a toujours su être à la pointe des Nations. Le pari du gaz de schiste est immense, la France possède la plus grosse réserve de l’Europe et pourtant, si rien n’est fait, demain nous verrons les Etats-Unis exporter vers la France du gaz depuis l’Amérique par des gazoducs traversant l’Atlantique. Il est urgent d’agir et de ne pas hypothéquer l’avenir en faisant le choix d’une idéologie de la stagnation.

Un mot pour conclure ?

Ce choix de l’avenir est nécessaire car il faut aussi créer de l’espérance. Cela est indispensable dans le climat de morosité ambiant. Il faut des signes forts de confiance en l’avenir et en ceux qui le portent. L’Etat ne peut pas tout et surtout pas en optant pour des choix d’ajustements budgétaires permanents en fonction de ses besoins. Il faut de la clarté, de la visibilité et de la cohérence. C’est cela aussi l’esprit du rapport Gallois qui tarde à se diffuser dans l’action de la majorité. Un an bientôt et nous ne pouvons que souhaiter qu’il devienne enfin réalité !